
Le journaliste sénégalais Cheikh Yérim Seck a été jugé par défaut pour diffamation à l’encontre de l’ancienne Première ministre Aminata Touré. Le procureur a requis une peine de six mois de prison avec sursis, tandis que la plaignante réclame 500 millions de FCFA en dommages et intérêts.
L’affaire trouve son origine dans un article publié le 20 octobre 2024, intitulé “Les mesquineries du trio Diomaye-Sonko-Mimi contre Macky Sall”, dans lequel Cheikh Yérim Seck alléguait que Mme Touré, en compagnie de Diomaye Faye et Ousmane Sonko, avait envisagé des “méthodes radicales” pour empêcher le retour de l’ancien président Macky Sall au Sénégal.
Absente lors de l’audience, Aminata Touré était représentée par son avocat, Me Seyba Danfakha, qui a souligné la gravité des accusations portées contre sa cliente. “Ces allégations sont d’une extrême gravité et entachent l’honneur d’une personnalité publique engagée dans la défense des institutions”, a-t-il déclaré devant le tribunal. Il a également rappelé qu’il ne s’agissait pas de la première affaire de diffamation impliquant Cheikh Yérim Seck, citant sa précédente condamnation face au capitaine Seydina Issa Touré.
Le procureur a estimé que les propos tenus par le journaliste étaient diffamatoires et sans fondement, portant ainsi atteinte à la réputation de Mme Touré. “La liberté de la presse est essentielle, mais elle ne saurait s’exercer sans responsabilité”, a-t-il affirmé, justifiant ainsi sa réquisition de six mois de prison avec sursis et une amende de 200 000 FCFA.
Une Législation Critiquée sur la Diffamation au Sénégal
Cette affaire relance le débat sur les lois sénégalaises encadrant la diffamation. L’article 258 du Code pénal définit la diffamation comme “toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne”. Les peines peuvent inclure des amendes substantielles et, dans certains cas, des peines d’emprisonnement, suscitant des inquiétudes quant à leur impact sur la liberté d’expression.
Selon Me Assane Dioma Ndiaye, avocat spécialisé en droits de l’homme : “Le droit à l’information ne peut justifier l’atteinte gratuite à la réputation d’autrui. Toutefois, la répression pénale de la diffamation peut avoir un effet dissuasif sur le journalisme d’investigation, notamment lorsque les sanctions financières sont aussi élevées.”
Un rapport de l’organisation ARTICLE 19 dénonce également cette sévérité : “Les tribunaux sénégalais continuent de prononcer des peines lourdes pour diffamation, en dépit des engagements internationaux du pays en matière de liberté d’expression”, plaidant pour une révision de la législation afin de la conformer aux normes internationales.
Le Code de la presse de 2017, bien qu’ayant introduit des avancées, maintient des sanctions pénales lourdes pour les délits de presse. Reporters sans frontières (RSF) souligne que “le nouveau code de la presse maintient des sanctions pénales très lourdes pouvant aller jusqu’à deux ans de prison pour des faits de diffamation”.
Le verdict de cette affaire est attendu pour le 14 mai prochain.
Imam chroniqueur Babacar DIOP