
L’enquête menée par le Pool judiciaire financier (PJF) sur l’affaire des 125 milliards de francs CFA prend une nouvelle tournure avec l’implication de figures influentes du paysage sénégalais. Après les mises en cause de Farba Ngom et Tahirou Sarr, c’est désormais au tour de l’homme d’affaires Mamadou Racine Sy et d’Amadou Macky Sall, fils de l’ancien président, d’être ciblés par la justice.
Selon les dispositions du Code pénal sénégalais, notamment les articles 159 à 163, la corruption active est sévèrement réprimée. Ces articles stipulent que tout individu qui, de manière directe ou indirecte, offre des dons, présents ou avantages pour obtenir l’accomplissement ou l’abstention d’un acte relevant des fonctions d’un agent public, est passible de peines d’emprisonnement de deux à dix ans et d’une amende double de la valeur des avantages illégalement obtenus, sans que cette amende puisse être inférieure à 150 000 francs CFA.
Le rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) a mis en évidence des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux, impliquant la création de sociétés écrans utilisées pour des transactions suspectes totalisant plus de 125 milliards de francs CFA. Ces opérations, effectuées entre 2021 et 2023, ont conduit à des virements de fonds publics vers des comptes privés, suivis de redistributions à diverses entités et personnalités sans lien apparent avec les transactions initiales.
Le professeur Abdoulaye Diop, expert en droit pénal économique, souligne : « Ces pratiques constituent une violation flagrante des lois sénégalaises en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux. Les personnes impliquées s’exposent à des poursuites pénales sévères, conformément aux dispositions en vigueur. »
La loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012, portant création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), confère à cette institution le pouvoir de mener des investigations approfondies en matière de fraude et de corruption. L’OFNAC est notamment chargé de collecter et d’analyser les informations relatives à la détection et à la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, commis par toute personne exerçant une fonction publique ou privée.
Dans le cadre de cette affaire, le procureur du PJF a sollicité la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, député-maire des Agnam, afin de permettre son audition par le juge d’instruction. Cette demande a été approuvée par l’Assemblée nationale le 24 janvier 2025, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires.
Le docteur Mariama Ndiaye, spécialiste en gouvernance et transparence, rappelle : « La lutte contre la corruption est un pilier essentiel pour le développement économique et social du Sénégal. Les institutions doivent agir avec rigueur et impartialité pour restaurer la confiance des citoyens envers leurs dirigeants. »
Le Code de procédure pénale prévoit également, en son article 132, des mesures de séquestre et de confiscation des biens d’origine frauduleuse. Selon le juriste Cheikh Tidiane Fall : « Ces mesures visent à empêcher la dissipation des avoirs illicitement acquis et à garantir la restitution des fonds détournés à l’État. »
Par ailleurs, la Commission de protection des données personnelles (CDP) est mobilisée pour examiner la légalité de l’accès aux informations bancaires dans le respect des droits des personnes concernées. D’après Maître Aissatou Diallo, avocat au barreau de Dakar : « Toute investigation doit concilier l’exigence de transparence avec la protection de la vie privée. »
L’article 15 de la loi n°2014-17 sur la transparence dans la gestion des finances publiques impose aux responsables publics de déclarer leur patrimoine avant et après leur mandat. Cette obligation vise à prévenir l’enrichissement illicite et à assurer la redevabilité des gestionnaires de fonds publics.
L’article 431-26 du Code pénal précise également que « tout acte de blanchiment de capitaux est puni de cinq à dix ans d’emprisonnement et d’une amende comprise entre 500 000 et 5 000 000 de francs CFA ». Une disposition qui pourrait s’appliquer dans cette affaire au vu des conclusions de la CENTIF.
L’affaire des 125 milliards met donc en lumière l’importance d’une application stricte des lois anti-corruption et d’une vigilance accrue des institutions chargées de la transparence et de la bonne gouvernance au Sénégal. Le juge d’instruction dispose désormais de moyens légaux renforcés pour mener à bien ses investigations et garantir que justice soit rendue.
Imam chroniqueur Babacar DIOP