
La dépigmentation est une pratique qui consiste à éclaircir la peau à l’aide de produits chimiques, une tendance qui est de plus en plus courante dans diverses régions du monde, notamment en Afrique. Cette démarche soulève d’importantes questions sur les plans sanitaire, sociologique et religieux. Quelle position l’Islam adopte-t-il face à cette pratique ? Que disent les grands penseurs musulmans et les savants contemporains à propos de l’altération du corps pour des raisons esthétiques ?
La Dépigmentation à la Lumière du Coran et des Hadiths
L’Islam prône l’acceptation de la nature humaine telle qu’Allah l’a créée et met en garde contre les altérations du corps humain, qui sont vues comme des modifications non naturelles.
Allah dit dans le Coran :
« Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite. »
(Sourate 95 : 4, At-Tin)
Ce verset évoque la perfection de la création d’Allah et invite à accepter cette forme divine sans chercher à la modifier artificiellement.
Un autre verset va plus loin en condamnant les modifications de la création divine :
« Je leur commanderai et ils altéreront la création d’Allah. »
(Sourate 4 : 119, An-Nisa’)
Le Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) a également mis en garde contre les pratiques visant à changer l’apparence physique, considérées comme des altérations de la volonté divine. Il a dit :
« Qu’Allah maudisse celles qui tatouent et celles qui se font tatouer, celles qui s’épilent les sourcils et celles qui se font limer les dents pour paraître plus belles en modifiant ainsi la création d’Allah. »
(Rapporté par Al-Bukhari et Muslim)
Il a également déclaré :
« Allah est Beau et Il aime la beauté. »
(Rapporté par Muslim)
Cependant, cette beauté doit être en harmonie avec l’acceptation divine et ne pas mener à des transformations artificielles qui dénaturent la création originelle.
Les Avis des Savants et Philosophes
Ibn Taymiyya (1263-1328)
Le grand savant Ibn Taymiyya considère que toute modification corporelle, sauf nécessité médicale, constitue une altération de la création divine. Il écrit dans Majmou’ al-Fatawa :
« Modifier la création d’Allah sans raison légitime est un acte d’exagération et une tromperie inspirée par Satan. »
(Majmou’ al-Fatawa, vol. 4, p. 120)
Ibn Hajar Al-Asqalani (1372-1449)
Dans son commentaire Fath al-Bari sur Sahih al-Bukhari, Ibn Hajar dénonce les tentatives de modification de l’apparence corporelle par vanité :
« Toute action visant à altérer son apparence sans nécessité relève d’une imitation blâmable. »
(Fath al-Bari, vol. 10, p. 377)
Ibn Qayyim Al-Jawziyya (1292-1350)
Dans Ighathat al-Lahfan, Ibn Qayyim met en garde contre les excès en matière d’embellissement. Il rappelle que l’excès d’embellissement peut conduire à la superficialité et à la destruction du cœur :
« L’embellissement excessif détruit le cœur et conduit à la superficialité. »
(Ighathat al-Lahfan, vol. 1, p. 123)
Sheikh Ibn Uthaymin (1925-2001)
Ce savant contemporain met en garde contre la dépigmentation permanente de la peau, soulignant qu’elle enfreint la règle islamique de ne pas altérer la création d’Allah :
« Si une femme altère la couleur de sa peau de manière permanente, elle tombe dans l’interdiction, car cela revient à changer la création d’Allah. »
(Fatawa Nur ‘ala al-Darb)
Les Avis des Marabouts Sénégalais
Plusieurs guides religieux sénégalais, notamment des figures influentes de la confrérie Tijaniyya, se sont exprimés contre la dépigmentation, soulignant l’importance de préserver la pureté du corps et de l’âme.
Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), fondateur du Mouridisme, a insisté sur la soumission à la volonté divine et le rejet des influences superflues :
« Celui qui cherche à plaire aux créatures par l’altération de sa propre nature ne fait que s’égarer. »
(Mathnawi Mawahib An-Nafah)
El-Hadj Malick Sy (1855-1922), autre figure marquante de la Tijaniyya au Sénégal, prônait la pureté du corps et de l’esprit :
« La peau et le cœur doivent rester purs, car c’est dans cette pureté que réside la véritable beauté. »
(Kifayat ar-Raghibin)
Conséquences Sanitaires et Sociales
D’un point de vue médical, la dépigmentation peut entraîner des effets secondaires graves, tels que des troubles rénaux, l’hypertension et le cancer de la peau, surtout avec l’utilisation de produits chimiques non sécurisés. La dégradation de la peau et les risques de réactions allergiques en sont des exemples tragiques.
Sur le plan social, la pratique de la dépigmentation reflète une pression exercée par des normes esthétiques globales, influencées par les idéaux occidentaux de beauté. Les personnes qui s’adonnent à cette pratique peuvent souffrir de problèmes d’estime de soi, en raison de la pression sociale qui valorise une peau plus claire.
Conclusion
La dépigmentation est une pratique qui soulève des dilemmes éthiques, religieux et sanitaires. L’Islam enseigne l’acceptation de la création divine et met en garde contre la modification de l’apparence physique à des fins purement esthétiques. Dans le même sens, les grands savants musulmans, ainsi que les marabouts sénégalais, conseillent de ne pas se laisser emporter par des normes extérieures et de chercher la beauté dans la pureté du cœur et l’alignement avec la volonté divine. L’acception de soi et la préservation de la santé demeurent des priorités essentielles, tant sur le plan spirituel que physique.
-imam chroniqueur