
L’actualité récente révèle une dimension préoccupante du système financier sénégalais : l’injection de milliards de francs CFA dans des banques privées locales, soi-disant pour les protéger des sanctions de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Cette décision soulève une série de questions sur la transparence, la responsabilité, et surtout, sur qui détient réellement les clés de ce pouvoir financier.
L’État : Sauveur ou complice des intérêts privés ?
L’injection massive de fonds publics dans des banques privées pose une question centrale : pourquoi l’État accorde-t-il de telles largesses à des institutions privées, alors même que ces fonds auraient pu être utilisés pour améliorer les conditions de vie des Sénégalais ? Ce transfert de ressources publiques vers des acteurs privés semble davantage servir des intérêts particuliers que l’intérêt général. Une telle situation nous invite à remettre en question le rôle des institutions publiques et leur capacité à défendre les intérêts du peuple face à des entités privées puissantes.
Dans La Grande Désillusion, Joseph Stiglitz soulignait : “L’économie de marché est souvent une illusion, où ceux qui détiennent le pouvoir monétaire dictent les règles du jeu au détriment de la majorité.” Cela démontre que les décisions économiques prises par l’État sénégalais en faveur de ces banques ne sont peut-être que des symptômes d’un système économique où l’élite financière dicte sa loi au détriment du bien-être collectif.
Qui profite réellement de cette “protection” financière ?
L’ampleur de l’injection de fonds publics dans les banques privées locales soulève une autre question incontournable : qui tire réellement les ficelles derrière ces institutions ? Michel Foucault a dit : “Le pouvoir n’est pas simplement une question d’obéissance ; il se joue également dans les relations invisibles et subtiles qui régissent la société.” Cette dynamique invisibile se matérialise dans la concentration des ressources entre les mains de quelques acteurs privés, souvent liés à des figures politiques de haut rang. Qui sont ces véritables propriétaires, ces personnes qui, en coulisses, contrôlent les leviers financiers du pays ?
Le Cheikh Ibrahime Niass, grande figure du soufisme sénégalais, rappelait : “L’argent appartient à Dieu et doit être utilisé au service du bien commun.” Cette perspective spirituelle fait écho à l’idée selon laquelle l’accumulation d’argent, notamment lorsque celle-ci ne profite qu’à une élite restreinte, est une forme de trahison des principes de justice sociale. Dans un contexte où les ressources publiques sont utilisées pour maintenir des banques privées à flot, on peut se demander si ces fonds ne servent pas davantage à enrichir quelques individus qu’à créer un véritable bien-être collectif.
Le rôle de l’argent dans la société : une critique philosophique
À travers l’histoire, nombreux sont les philosophes qui ont mis en lumière le rôle central de l’argent dans la structure sociale. Aristote, dans La Politique, affirmait que l’”argent doit être un moyen d’atteindre le bien commun, et non un but en soi.” Dans ce sens, l’accumulation d’argent par une poignée d’individus à travers des décisions financières étatiques douteuses soulève des questions éthiques et politiques. Ce processus qui mène à une concentration des richesses est contraire à la pensée aristotélicienne, où l’argent est censé circuler pour soutenir la communauté, et non pour la fragmenter davantage.
Albert Einstein nous avertit, en disant : “Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent sans rien faire.” Cette citation nous invite à réfléchir sur la responsabilité collective. Le peuple sénégalais, les citoyens et les institutions doivent ouvrir les yeux sur les dérives possibles d’un système financier qui profite à une élite au détriment de l’ensemble de la société. Il est impératif que la société civile prenne conscience de ce phénomène et milite pour un système plus transparent et équitable.
La dimension spirituelle et morale de la gestion des ressources
Dans la pensée musulmane, notamment celle des marabouts sénégalais, l’argent n’est pas seulement perçu comme un bien matériel, mais aussi comme une ressource spirituelle et morale. Cheikh Ahmadou Bamba, dans ses enseignements, insistait sur le fait que “l’usage des biens matériels doit toujours être guidé par un souci d’éthique, de justice et de solidarité.” Cette perspective ancrée dans les valeurs soufies invite à réfléchir sur l’utilisation des ressources économiques non pas dans un objectif d’enrichissement personnel, mais dans un souci d’équilibre, d’harmonie et de partage.
Dans cette logique, l’utilisation de fonds publics pour soutenir des institutions financières privées soulève des dilemmes éthiques et spirituels. Le détournement de ces ressources au profit de quelques-uns, sans bénéfice tangible pour la majorité, va à l’encontre des principes de justice sociale et de bien commun défendus par les enseignements spirituels des marabouts sénégalais.
Une question de justice sociale et de responsabilité politique
Il est désormais évident que la concentration des ressources financières entre les mains d’une élite économique et politique ne fait qu’aggraver les inégalités sociales et économiques. La question qui se pose est donc de savoir comment rééquilibrer ce système afin que les ressources publiques servent véritablement l’intérêt général et non des intérêts privés.
Karl Marx, dans Le Capital, affirmait que “le capitalisme conduit toujours à la concentration des richesses, et donc du pouvoir, entre les mains de quelques-uns.” Cette observation reste d’une grande pertinence dans le contexte sénégalais. La classe politique et les grandes entreprises financières doivent être tenues responsables de l’utilisation des fonds publics, sous peine de voir les inégalités se creuser davantage.
Une réforme nécessaire : vers un système financier plus juste
Face à cette situation, une réforme du système financier sénégalais devient une nécessité. Il est essentiel que la société civile, les autorités judiciaires, ainsi que les intellectuels et leaders spirituels, se mobilisent pour mettre en place un système transparent, responsable et réellement bénéfique pour tous. Une telle réforme ne doit pas seulement viser à rééquilibrer les ressources économiques, mais également à promouvoir un système de valeurs fondé sur l’équité, la justice et la solidarité.
En conclusion, Confucius nous rappelle que “lorsque les hommes sont en harmonie avec la nature, la société devient un lieu de paix et de prospérité.” Cela signifie qu’une société où l’argent est utilisé de manière éthique et équitable est une société en équilibre. C’est cette société que nous devons aspirer à construire, en nous interrogeant sur les pratiques financières actuelles et en menant une réflexion collective sur leur avenir.
Imam chroniqueur