
La nationalité, on l’acquiert en naissant, par celle de nos parents (droit du sang) ou par le lieu de notre naissance (droit du sol). Et puis plus tard, on peut en acquérir une autre, soit par le mariage, soit par la naturalisation.
La naturalisation, c’est lorsque vous obtenez la nationalité d’un pays parce que vous l’avez demandé, soit parce que vous y vivez depuis un certain temps et vous n’avez plus l’intention de retourner dans votre pays d’origine, soit parce qu’à la suite de certains calculs, vous estimez qu’il est plus avantageux pour vous d’avoir la nationalité de ce pays.
Par exemple, vous êtes diplômé de Polytechnique en France et vous aspirez à de hauts postes en France ou ailleurs dans le monde. Il est alors plus avantageux pour vous d’être Français qu’Ivoirien. Et vous prenez donc la nationalité française.
La France vous la donne d’autant plus facilement qu’elle cherche les meilleurs cerveaux. Vous devenez donc Français.
Quelle émotion ! Vous vous appliquez donc à manger du cassoulet et de la choucroute à la place du foutou d’igname à la sauce graine ou arachide, à connaitre par cœur tous les fromages et tous les vins si vous n’êtes pas musulman pratiquant, et pour mieux montrer votre renoncement à votre ancien pays, vous passez vingt-trois ans sans y remettre les pieds, tout en clamant partout votre amour pour votre nouveau pays.
Et vous arrivez ainsi à diriger des grosses entreprises en Europe. Vous faites partie du gotha mondial. Vous avez un bel hôtel particulier quelque part à Paris, vous êtes reçu partout dans le monde et vous faites des selfies avec les stars des finances mondiales.
Et puis un jour vous perdez votre super emploi en Europe. Et l’on vous fait comprendre que vous pourriez devenir le président de votre ancien pays. Avec un coup de pouce de votre nouveau pays. Il vous faut pour cela devenir le président d’un parti politique.
Vous vous jetez dans la bataille, sans remplir toutes les conditions. Mais au sein de ce parti, beaucoup de gens vous veulent comme président, parce que vous êtes censé avoir beaucoup d’argent.
On tord donc le cou aux règles établies par le parti et vous en devenez le président. Premier obstacle surmonté.
Vous faites des meetings pour vous faire connaitre, vous dansez même au cours de ces meetings, parce que cela fait partie des mœurs politiques locales, vous vous obligez à aller aux funérailles des cadres de votre parti, vous qui n’êtes pas venu à celles de vos frères et sœurs, parce que ça faisait trop nègre.
Ça commence à aller.Et puis voici que quelqu’un brandit des textes qui disent que pour être président, il faut avoir exclusivement la nationalité du pays que l’on veut diriger, et que celui qui a demandé la nationalité d’un autre pays en étant majeur, a perdu celle de son pays d’origine.
Mais qui a inventé des lois aussi obscures ? Purée !!! Cela veut dire quoi, cette histoire ? Que je vais perdre ma nationalité française ? Bon, si je suis élu président, ça va.
Ce sera salon présidentiel et même escorte à moto ou à cheval partout. Mais si je perds ? Houlala ! Cela voudra dire que désormais pour aller dans mon hôtel particulier de Paris il me faudra demander un visa ?
Et pour avoir le visa il me faudra aller faire la queue sous le soleil ou sous la pluie dans ce coin de la Zone 3 ? Et à l’aéroport à Paris, je devrai prendre la file des « autres nationalités » et non celle des « Européens » ?
Être mélangé aux Maliens, Chinois, Ivoiriens, Indiens, Congolais et autres ! Mais, quelle humiliation ! Seigneur ! Mais qui a donc eu l’idée de ce genre de loi obscure pour m’exclure ?
Hé oui ! Ces lois n’ont pas été votées contre quelqu’un de particulier, mais convenez avec moi que lorsque vous avez, à l’âge adulte, volontairement abandonné votre nationalité pour en adopter une autre, c’est que vous ne vouliez plus être Ivoirien.
La preuve en est que pendant vingt trois ans, rien de ce qui arrivait à la Côte d’Ivoire, en bien comme en mal, n’a semblé vous concerner.
Lorsque vous revenez au pays et que vous voulez nous diriger, sachez que pour nous aussi, la nationalité ivoirienne, c’est également une émotion.
Venance Konan