« Je sais bien que rue d’ Belleville rien n’est fait pour moi. Mais je suis dans une belle ville c’est déjà ça. Si loin de mes antilopes je marche tout bas. Marcher dans une ville d’Europe c’est déjà ça. Oh oh oh et je rêve que Soudan mon pays soudain se soulève Oh oh rêver c’est déjà ça. »
Chaque fois que je pense à la situation du Soudan, me vient en tête cette chanson d’Alain Souchon sortie en 1993. A cette époque c’était Omar El Béchir qui dirigeait ce pays qui était à l’époque le plus grand d’Afrique, et les Soudanais rêvaient de révolte, de soulèvement, parce que le régime au pouvoir n’était rien d’autre qu’une dictature.
Le sud du pays, peuplé de chrétiens et d’animistes luttait contre le nord musulman pour son indépendance. Il l’obtiendra en 2011 pour aussitôt entrer en guerre. On soupçonna le nord d’avoir alimenté cette guerre pour faire regretter au sud d’avoir fait sécession.
Elle fit plusieurs milliers de morts, mais l’on n’en parla pas beaucoup. Au nord, on finit par se soulever et Omar El Béchir chuta. Les Soudanais se mirent à rêver de démocratie, de paix, de développement. Mais le rêve ne dura pas longtemps.
Il devint un cauchemar lorsque les militaires reprirent le pouvoir. Puis, le 15 avril 2023, une crise éclata entre le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burrane et celui des Forces de soutien rapide (FSR) de Mohammed Hamdane Daglio. Ces FSR avaient été créées par Omar El Béchir qui n’avaient qu’une confiance très limitée en sa propre armée.
Al-Burrane avait voulu intégrer ces FSR dans l’armée, et c’est ce qui avait mis le feu aux poudres.La guerre qui aura bientôt deux ans a causé la mort de dizaines de milliers de morts, entraîné le déplacement de plus de dix millions de personnes à l’intérieur du pays et chez les voisins, et selon les Nations Unies, plus de 25 millions des 45 millions de Soudanais ont besoin d’aide humanitaire pour survivre.
Le Soudan, est l’une des plus vieilles civilisations africaines. Vers 1500-1070 avant Jésus Christ, le Soudan faisait partie de l’Egypte des pharaons, et c’est ce pays qui a fourni à l’ancienne Egypte ses pharaons noirs.
On trouve quantité d’impressionnantes pyramides dans le Soudan actuel qui abrita le mythique royaume de Koush, qui concurrença plus tard l’Egypte de l’Ancien Empire. Le Soudan, c’est l’un des berceaux de la civilisation des négro-africains.
On ne peut rêver de renaissance africaine et laisser sombrer ce pays.Mais qui s’intéresse à la guerre qui ensanglante ce pays ? Depuis quand nos guerres nous ont-elles intéressé ? Cela fait des décennies que l’est de la République démocratique du Congo (RDC) est à feu et à sang, et cela nous est totalement indifférent.
Je ne suis d’ailleurs pas certain que les Congolais eux-mêmes, surtout ceux qui vivent dans la capitale, loin de cette région s’y intéressent vraiment. Il n’y a pas longtemps c’était l’Ethiopie, pays de très vieille civilisation qui abrite le siège de l’Union africaine, qui plongeait dans une cruelle guerre fratricide.
Près de nous, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Burkina Faso, surtout ce dernier pays, sont dévorés par le terrorisme. Mais les morts que l’on annonce tous les jours sont devenus des faits divers pour tout le monde. Y compris pour les Burkinabé.
Nous sommes tous focalisés sur ce qui se passe entre Israël et les Palestiniens, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, surtout qu’une bonne partie du blé qui sert à fabriquer notre pain quotidien vient de cette région du monde, et le retour au pouvoir de Donald Trump.
Le retour de Donald Trump devrait nous faire réfléchir, nous Africains. Parce que nous ne représentons strictement rien économiquement en dehors de nos matières premières. Si nous ne menons pas une profonde réflexion pour chercher nous-mêmes solutions à nos problèmes, pour éteindre nos incendies sans compter sur quelqu’un d’autre, nous disparaitrons de la surface de la terre et personne ne s’en émouvra.
Mobilisons-nous pour le Soudan, pour l’est de la RDC, pour les pays gangrénés par le terrorisme. Notre salut dépendra de notre prise de conscience.
Venance Konan
