
Lorsque notre attiéké national a été élevé au rang de patrimoine de l’UNESCO, je me suis demandé si nous saurions en tirer vraiment profit. J’en avais discuté avec mon petit frère Désiré Banny qui conditionne l’attiéké et il m’avait dit en gros ceci :
« si nous continuons à conditionner l’attiéké dans ces conditions d’hygiène, avec le manioc qui est séché au bord des routes, au milieu des mouches, des poules, des moutons, des fumées des pots d’échappement, nous n’irons nulle part avec.
Il nous faut industrialiser la production de notre attiéké et le faire dans des meilleures conditions hygiéniques si nous voulons en tirer profit en l’exportant. Sinon ce sont les Chinois qui ramasseront la mise. »
Ce qu’il nous faut, ce sont des machines qui permettent de fabriquer l’attiéké plus rapidement, en grande quantité, et surtout dans de bonnes conditions d’hygiène. Désiré me disait que ces machines coûtaient très cher.

Eh bien, il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de visiter une société, créée par l’Etat, appelée Centre de démonstration et de promotion de technologie (CDT), située sur le boulevard de Marseille, en face de la résidence de feu le président Philippe Yacé, qui propose des machines « made in Côte d’Ivoire », qui permettent justement de transformer l’attiéké dans les conditions décrites plus haut.
Oui, il existe une chaîne complète de machine qui permettent de déposer le manioc entier, dans sa peau, à un bout, et de voir l’attiéké sortir tout prêt à l’autre bout. Cette société fabrique aussi des machines pour faire du jus de divers fruits, pour les conserver dans les meilleures conditions, pour décortiquer le riz, éplucher des pommes de terre et faire des chips en un temps record, etc.

J’ai barri de joie lorsque j’ai visité cette entreprise, parce que je me plaignais toujours de notre incapacité à chercher, et à trouver des solutions à nos problèmes les plus basiques. Malgré les sommes colossales que notre pays a dépensées pour former des ingénieurs.
Un jour, j’avais déploré que nous n’ayons pas cherché à inventer une machine pour piler le foutou que nous aimons tant, ce qui à mon avis ne devrait pas être très compliqué. Le lendemain, un de mes amis m’a envoyé la photo d’une machine à faire du foutou, fabriquée par les Chinois.
Je l’ai achetée et elle fait vraiment du foutou, sans avoir à piler. Je fus attristé que cette invention ne soit pas venue de nous- mêmes. Je m’étais aussi souvent demandé quand nos ingénieurs allaient nous fabriquer des machines capables de remplacer les machettes et dabas dans les champs de nos parents.
CDT en propose. Alors, savoir que notre pays fabrique des machines capables de transformer nos produits de façon moderne, réduire la pénibilité du travail pour nos agriculteurs, ne pouvait que me combler de joie.CDT dispose aussi d’un incubateur où des jeunes qui en ont la volonté peuvent aller se former à l’utilisation de ces machines pour en faire le meilleur usage possible.

Sur place, j’ai rencontré plusieurs femmes qui utilisent les machines de CDT pour fabriquer divers produits alimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques, etc, qu’elles s’efforcent de distribuer sur nos marchés. Ces machines existent et personnellement j’en suis très fier. Elles sont le fruit d’une coopération entre notre pays et l’Inde qui était spécialisée dans la fabrication de ce type d’appareils.
Aujourd’hui nous les fabriquons nous-mêmes. Mais elles ont un coût que peu de jeunes ayant vraiment envie d’entreprendre peuvent supporter.

Oui, de nombreuses femmes qui fabriquent de l’attiéké aimeraient avoir des machines qui leur permettent de moins transpirer, et surtout de faire de l’attiéké de meilleure qualité.

Mais elles ne peuvent s’offrir ces machines. C’est à ce niveau que l’Etat ou les collectivités locales pourraient peut-être intervenir pour organiser les jeunes ou les femmes qui ont vraiment envie d’entreprendre et trouver des mécanismes pour les financer.Venance Konan