Dans une salle d’audience d’Abomey-Calavi, au Bénin, une fidèle a choisi d’amener son pasteur devant la justice. Derrière ce face-à-face, il ne s’agit pas d’un simple conflit de biens, mais d’un entrelacs de foi, de souffrance, d’attentes non comblées… et de confusion spirituelle.

La plaignante affirme avoir rencontré l’homme de Dieu alors qu’elle était malade. En quête de guérison, elle accepte ses prières, utilise de l’eau bénite et, sentant un léger mieux, décide d’exprimer sa reconnaissance. Selon ses dires, elle aurait offert glacières, marmites, pagnes et autres objets utiles, en guise d’« action de grâce ». Une démarche que l’on retrouve dans bien des églises africaines, où la foi s’exprime aussi par des gestes matériels.
Mais les choses se compliquent. La guérison espérée n’arrive pas. Le doute s’installe. La fidèle réclame ses biens. Le pasteur, lui, estime qu’un don spirituel n’est pas une marchandise à restituer. « C’était une offrande », dira-t-il à la barre. « Revenir là-dessus, c’est remettre en cause l’acte de foi. »
Ce qui intrigue davantage, c’est le choix de la plaignante de consulter un devin après la restitution des objets. Ce dernier lui aurait affirmé que le pasteur est lui-même à l’origine de ses maux. Un revirement qui soulève une question essentielle : que signifie vraiment croire ? Peut-on réclamer un miracle et, face à l’attente, basculer vers d’autres chemins spirituels, parfois contradictoires ?
Ce détour jette une lumière sur une réalité peu dite : la foi vacille parfois lorsque l’épreuve se prolonge. Ce n’est pas un crime, mais c’est un révélateur. En Afrique, les syncrétismes sont nombreux, et certaines personnes passent de l’église au couvent, de la Bible aux incantations, à la recherche de solutions immédiates. Cela montre surtout une soif de guérison, pas toujours bien accompagnée.
Il ne s’agit pas ici de juger un pasteur ni de disqualifier une fidèle. Tous deux ont agi, semble-t-il, avec la sincérité de leur position. Lui, persuadé qu’il faisait le bien. Elle, convaincue qu’elle faisait confiance. Ce qui manque parfois, c’est un cadre, une pédagogie de la foi, une éducation spirituelle pour guider les dons, les attentes, les réactions.
L’affaire d’Abomey-Calavi ne doit pas diviser. Elle doit plutôt inviter à réfléchir :
- Quelle place donnons-nous à la foi dans notre quotidien ?
- Nos dons sont-ils guidés par conviction ou par peur ?
- Que signifie « avoir la foi », quand l’épreuve dure ?
- Et comment les églises peuvent-elles accompagner sans créer de dépendance émotionnelle ou matérielle ?