Vingt et un militaires burkinabè ont bénéficié d’une “grâce amnistiante” accordée par le capitaine Ibrahim Traoré, chef de l’État, selon un décret signé le 24 mars dernier. Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’application d’une loi adoptée en décembre 2024 par l’Assemblée législative de transition. Elle concerne des militaires condamnés ou poursuivis pour leur participation à la tentative de coup d’État des 15 et 16 septembre 2015.
Une décision controversée
La grâce présidentielle concerne principalement des membres de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’unité d’élite de l’ancien président Blaise Compaoré, dissoute après la tentative de putsch. Parmi les bénéficiaires figurent six officiers, notamment le capitaine Oussène Zoumbri, le lieutenant Relwindé Compaoré—décoré à plusieurs reprises pour ses missions au Mali—ainsi que les lieutenants Gorgo Ghislain et Abdoul Kadri Dianda.
L’adoption de cette mesure fait suite à une loi adoptée en décembre 2024 permettant aux condamnés pour “atteinte à la sûreté de l’État” de formuler une demande de grâce.
Une réintégration dans l’armée, sous conditions
Selon le décret, ces militaires pourront être réintégrés dans les Forces armées burkinabè, mais sans possibilité de reconstitution de carrière ni d’indemnisation des années perdues. Une décision qui soulève des interrogations, tant au sein des institutions militaires que parmi les familles des victimes du putsch manqué.
Le coup d’État de septembre 2015 avait tenté de renverser le gouvernement de transition dirigé à l’époque par Michel Kafando. Rapidement maîtrisé par les forces loyalistes, il s’était soldé par plusieurs morts et de nombreuses arrestations au sein du RSP.
Une mesure politique sous haute tension
La décision du capitaine Traoré intervient dans un contexte où le Burkina Faso fait face à des défis majeurs en matière de sécurité et de gouvernance. Depuis le coup d’État militaire d’octobre 2022 qui a porté Ibrahim Traoré au pouvoir, le pays est engagé dans une lutte contre les groupes jihadistes qui occupent une partie du territoire national.
Si pour certains observateurs, cette grâce présidentielle vise à réconcilier l’armée et renforcer les effectifs en période de crise, d’autres y voient une volonté de normaliser le rôle de l’ex-RSP, autrefois pilier du régime Compaoré. “Cette décision risque de rouvrir des blessures pour les victimes du putsch manqué et de raviver les tensions politiques”, estime un analyste local.
En attendant, la société civile et les familles des victimes du putsch de 2015 scrutent avec attention les réactions du gouvernement face à cette mesure controversée.
Iman chroniqueur Babacar DIOP