Cameroun : 400 000 contribuables désormais recensés, une hausse de 400 % en dix ans

La Direction générale des impôts (DGI) du Cameroun a annoncé avoir franchi le cap des 400 000 contribuables recensés en 2024, contre moins de 80 000 en 2014. Soit une progression de 400 % en l’espace d’une décennie. Pour les autorités, ce bond témoigne d’un élargissement significatif de l’assiette fiscale. Pour les analystes, il révèle aussi l’ampleur du chemin qu’il reste à parcourir.
L’État camerounais tente depuis plusieurs années d’augmenter ses ressources propres, dans un contexte de pression budgétaire accrue et de réduction progressive des financements extérieurs. L’objectif est clair : mobiliser les recettes internes pour mieux financer les politiques publiques.
L’identification de nouveaux contribuables, notamment dans les secteurs du commerce informel, de la tech ou des professions libérales, a été l’un des axes majeurs. Des campagnes d’immatriculation à Numéro Unique d’Identification (NIU), la dématérialisation des démarches fiscales, et l’extension du prélèvement par mobile money ont contribué à ces résultats.
Mais le tissu économique camerounais reste largement informel, avec près de 85 % des actifs opérant hors du circuit fiscal selon certaines estimations. Ce qui rend toute stratégie d’élargissement complexe, tant pour des raisons techniques que sociales.
Parmi les 400 000 contribuables recensés, tous ne versent pas le même niveau d’impôt. Une grande partie correspond à des petits contributeurs (TPE, commerçants, prestataires de services) souvent soumis à des régimes forfaitaires ou simplifiés.
Les grands contributeurs, eux, restent peu nombreux mais concentrent l’essentiel des recettes. En 2023, selon la DGI, les 1 000 premières entreprises ont représenté plus de 75 % de l’impôt sur les sociétés collecté. Cette concentration interroge la justice fiscale, mais aussi la résilience du système en cas de choc dans un secteur-clé (hydrocarbures, télécoms, banque…).
Le gouvernement affiche l’ambition d’atteindre un million de contribuables actifs d’ici 2030, notamment via les nouveaux outils numériques, le recoupement de données inter-administrations et l’élargissement de la fiscalité locale. Mais cette stratégie exige :
- Une simplification des procédures pour les petits acteurs économiques, souvent peu familiarisés avec les démarches formelles.
- Une lutte crédible contre la fraude, y compris dans le secteur public et les grandes entreprises.
- Une meilleure communication sur l’utilisation des impôts, pour restaurer la confiance citoyenne dans l’État.
Pour les pays africains, la question fiscale est double : comment élargir la base contributive sans étouffer l’économie réelle, souvent portée par l’informel ? Et comment faire de l’impôt un outil de justice et de développement, et non une source de méfiance et de répression ?
Au Cameroun, cette tension est palpable. Si la DGI communique sur ses performances, de nombreux entrepreneurs dénoncent une pression fiscale jugée excessive, et parfois inéquitable. Dans les marchés, les quartiers ou les plateformes numériques, le sentiment d’être « traqué » sans contrepartie reste vif.













