Un nouveau chapitre s’ouvre dans les relations entre l’État du Sénégal et le géant pétrolier australien Woodside. La société a officiellement engagé une procédure d’arbitrage international contre le Sénégal, contestant un redressement fiscal de 40 milliards de francs CFA. L’affaire a été portée devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), une instance de la Banque mondiale spécialisée dans les litiges opposant les États aux investisseurs étrangers.

Le différend remonte à juillet 2024, lorsque la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID) a notifié à Woodside un redressement fiscal jugé conséquent. La compagnie australienne, présente au Sénégal dans le cadre de projets pétroliers d’envergure, conteste cette décision, affirmant avoir scrupuleusement respecté la législation sénégalaise et ne devoir aucun arriéré fiscal à l’État.
Dans un premier temps, Woodside avait choisi la voie judiciaire au Sénégal pour faire valoir ses arguments. Cependant, les audiences ont été plusieurs fois reportées, sans qu’une décision de fond ne soit rendue. Pendant ce temps, les autorités fiscales sénégalaises ont entamé des démarches de recouvrement, allant jusqu’à procéder à des saisies sur les comptes bancaires de l’entreprise. Ces actions ont été suspendues après que Woodside a déposé des garanties financières en guise de recours provisoire.
Ce bras de fer s’inscrit dans un contexte de changement de cap politique. L’arrivée au pouvoir de nouvelles autorités sénégalaises a ravivé les débats sur la transparence des contrats pétroliers et miniers. Le président de la République a d’ailleurs instauré une commission spéciale chargée de réévaluer les accords conclus avec les grandes compagnies d’exploitation des ressources naturelles.
La saisine du CIRDI marque une escalade majeure. Elle pourrait non seulement retarder certains projets énergétiques en cours, mais aussi influencer les relations futures entre le Sénégal et les investisseurs étrangers, dans un secteur stratégique pour l’économie nationale.
Ce contentieux soulève également une question plus large : jusqu’où un État peut-il aller dans la renégociation ou la remise en cause d’accords commerciaux passés, au nom de la souveraineté économique et de l’équité fiscale ? Le jugement du CIRDI, très attendu, pourrait faire jurisprudence dans la région, alors que plusieurs pays africains cherchent à rééquilibrer leurs partenariats avec les multinationales du secteur extractif.
Imam chroniqueur Babacar Diop