Une simple chemise pourrait-elle entacher la neutralité diplomatique ? En Côte d’Ivoire, la polémique enfle autour de l’ambassadeur de France, Jean-Christophe Belliard, photographié lors d’une cérémonie officielle portant un vêtement à l’effigie de Dominique Ouattara, épouse du président Alassane Ouattara. Une tenue qui n’a pas manqué de faire réagir l’opposition, notamment le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo.

Tout est parti d’un événement organisé le 31 mai dernier à Sinématiali, localité du nord ivoirien. À cette date, Dominique Ouattara, première dame et figure influente de la scène politique, y inaugurait un lycée d’excellence destiné aux jeunes filles. Une initiative saluée par de nombreuses personnalités présentes, dont l’ambassadeur français. Ce dernier, comme la majorité des invités, arborait pour l’occasion une chemise en pagne imprimée du visage souriant de Mme Ouattara. Sur le tissu, un message explicite : « Merci Maman Dominique Ouattara ».
Mais au-delà du contexte cérémoniel, cette image a suscité de vives critiques. Ce week-end, le PPA-CI a publié une déclaration virulente, dénonçant ce qu’il considère comme un acte lourd de symboles politiques. « Nous nous interrogeons sérieusement sur l’attitude de l’ambassadeur de France. À travers ce geste, la France aurait-elle déjà choisi son candidat pour la présidentielle de 2025 ? », s’est insurgée Habiba Touré, porte-parole du parti d’opposition.
Ce n’est pas la première fois que les relations entre la France et le pouvoir en place sont scrutées avec suspicion. Dans un pays où les tensions post-électorales demeurent vives et où l’ombre du passé colonial persiste, chaque geste diplomatique est décortiqué. Le port d’un tel vêtement, même s’il relève peut-être d’un simple geste de courtoisie protocolaire, peut être perçu comme une marque d’allégeance.
Du côté de l’ambassade de France, aucune déclaration officielle n’a encore été faite pour répondre aux critiques. Reste que cet épisode remet en lumière une question sensible : jusqu’où un représentant étranger peut-il aller dans sa participation aux événements locaux sans risquer de s’immiscer, volontairement ou non, dans les débats politiques internes ?
À mesure que se rapproche l’échéance de l’élection présidentielle de 2025, les partis politiques affûtent leurs armes. Dans ce climat déjà chargé, la diplomatie se doit d’agir avec la plus grande prudence. Car au-delà de la symbolique d’une chemise, c’est toute la délicate posture d’un pays ami qui se joue.
Imam chroniqueur Babacar Diop