
Abidjan, avril 2025 – Une profonde réforme de l’impôt foncier secoue actuellement la Côte d’Ivoire, avec une hausse qui dépasse dans certains cas les 1000 %. Cette mesure, inscrite dans l’annexe fiscale 2025, a pour objectif d’élargir l’assiette fiscale et de mieux aligner la fiscalité sur la valeur réelle des biens immobiliers. Mais sur le terrain, cette réforme fait craindre une flambée généralisée du coût des loyers, alors que les propriétaires s’apprêtent à répercuter cette nouvelle charge sur les locataires.
Un nouveau mode de calcul plus rigoureux
La Direction Générale des Impôts (DGI) a mis en place un nouveau système de calcul de l’impôt foncier basé sur la valeur marchande des propriétés ainsi que sur leur productivité locative. Désormais, les terrains urbains non bâtis, ainsi que les immeubles non générateurs de revenus, sont concernés. Les propriétaires de ces biens sont appelés à déclarer la valeur réelle de leurs propriétés avant le 30 avril 2025, sous peine de pénalités.
Pour les autorités, cette réforme vise à rendre la fiscalité plus juste en fonction du potentiel économique des biens. Mais la réalité économique du pays, marquée par une forte pression sur le pouvoir d’achat, rend cette annonce particulièrement sensible.
Un impact redouté sur les loyers
L’inquiétude principale exprimée par les citoyens et plusieurs acteurs du secteur immobilier concerne l’effet domino que pourrait engendrer cette mesure. En effet, pour compenser cette pression fiscale accrue, de nombreux propriétaires pourraient augmenter le loyer de leurs logements, y compris dans les quartiers populaires. Ce qui aggraverait une situation déjà tendue sur le marché locatif, notamment dans les grandes villes comme Abidjan, Yopougon, Bouaké ou encore San Pedro.
“Si cette hausse est maintenue, les loyers vont exploser. Nous allons en souffrir en tant que locataires”, se plaint Mireille Kouassi, une habitante d’Abobo. De nombreux syndicats de locataires et associations de consommateurs demandent déjà une révision de la mesure ou, à défaut, un mécanisme d’amortissement.
Une réforme jugée injuste par certains leaders politiques
Jean-Louis Billon, homme politique et candidat à la présidentielle de 2025, n’a pas tardé à critiquer la réforme, qu’il qualifie d’“injuste et inopportune”. Selon lui, cette hausse pourrait creuser davantage les inégalités et précariser les classes moyennes et pauvres.
“Cette mesure est antisociale. Elle favorise l’État au détriment des citoyens déjà écrasés par la vie chère. Ce n’est pas le moment de charger davantage les Ivoiriens”, a-t-il déclaré lors d’un meeting à Daloa.
Les objectifs de l’État : renflouer les caisses publiques
Du côté du gouvernement, on justifie cette réforme par le besoin de diversifier les sources de revenus fiscaux en réduisant la dépendance à l’impôt sur le revenu ou à la fiscalité sur les entreprises. L’impôt foncier, peu exploité jusqu’à présent, représenterait un levier important de financement des politiques publiques, notamment en matière d’infrastructures urbaines.
“La pression fiscale doit être répartie équitablement. Ceux qui détiennent des propriétés de grande valeur doivent contribuer davantage”, explique un cadre du ministère de l’Économie et des Finances.
Vers un dialogue nécessaire avec les parties prenantes ?
Alors que la date limite des déclarations approche, de nombreuses voix s’élèvent pour exiger une consultation plus large avec les professionnels du secteur immobilier, les syndicats de propriétaires et les représentants des locataires. Des mesures d’accompagnement, comme des exonérations pour les plus vulnérables ou des plafonnements temporaires, sont également réclamées pour éviter une crise sociale.
En attendant, la tension monte dans les quartiers et sur les plateformes immobilières. Une flambée des loyers au second semestre 2025 pourrait mettre des milliers de familles en difficulté, si rien n’est fait pour encadrer les répercussions de cette réforme.