
Contexte historique et décision sénégalaise
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a maintenu des relations étroites avec la France, notamment à travers des accords de défense permettant la présence militaire française sur son sol. Ces bases, principalement situées à Dakar, ont joué un rôle stratégique dans les opérations françaises en Afrique de l’Ouest. Cependant, le 31 décembre 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a annoncé la fin de toutes les présences militaires étrangères au Sénégal d’ici 2025, déclarant que « la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires ».
Cette annonce s’inscrit dans une dynamique régionale plus large où plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont réclamé le retrait des troupes françaises de leur territoire. Le gouvernement sénégalais prévoit de renforcer ses propres capacités militaires et de diversifier ses partenariats stratégiques.
Préparation et réaction de la France
Face à cette décision, la France a rapidement entamé des discussions avec le Sénégal pour organiser un retrait ordonné. Une commission conjointe a été mise en place pour coordonner la fermeture des Éléments Français au Sénégal (EFS) et la restitution des infrastructures militaires. Selon le Ministère des Armées françaises, ce retrait s’inscrit dans une stratégie plus globale d’adaptation de la présence militaire française en Afrique vers un modèle plus souple et coopératif.
Le politologue Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, directeur de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM), affirme que « cette évolution reflète un changement structurel profond dans les relations franco-africaines, marqué par une volonté croissante des pays africains d’exercer un contrôle plus souverain sur leur sécurité ».
Conséquences locales et régionales
La fermeture des bases militaires françaises aura des conséquences sociales et économiques notables. Environ 162 employés sénégalais directement engagés par les forces françaises perdront leur emploi dès juillet 2025, avec un impact indirect sur plusieurs centaines de sous-traitants locaux.
Pour le sociologue sénégalais Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, « cette décision est un acte fort de souveraineté nationale, mais elle soulève aussi des inquiétudes quant à la capacité du Sénégal à faire face aux défis sécuritaires régionaux, notamment dans le contexte de la montée en puissance des groupes armés au Sahel ».
Implications géopolitiques
La décision sénégalaise résonne bien au-delà de ses frontières. Le retrait français s’ajoute à une série de revers pour la présence militaire de Paris en Afrique de l’Ouest. D’autres acteurs internationaux, notamment la Turquie, la Russie et la Chine, cherchent à renforcer leur influence dans la région.
Pour Antoine Glaser, co-auteur de “Le Piège Africain de Macron”, « la France est confrontée à une réduction de son influence traditionnelle, dans un environnement où les puissances émergentes prennent une place croissante ».
En conclusion, la fermeture des bases militaires françaises au Sénégal constitue un jalon historique dans la relation franco-sénégalaise, illustrant une dynamique régionale plus large de quête de souveraineté et de diversification des partenariats stratégiques. Si cette décision répond à des aspirations nationales, elle soulève également des questions sur la stabilité sécuritaire et les nouveaux équilibres géopolitiques en Afrique de l’Ouest.
Imam chroniqueur