GAZA : DÉCRYPTAGE D’UN CESSEZ-LE-FEU FRAGILE

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GAZA : DÉCRYPTAGE D’UN CESSEZ-LE-FEU FRAGILE

Par Imam chroniqueur Babacar Diop

À Gaza, le silence des armes résonne comme un écho incertain. Le cessez-le-feu signé début octobre 2025 entre Israël et le Hamas, sous médiation du Qatar, de l’Égypte, de la Turquie et des États-Unis, marque une pause après des mois d’horreur. Mais ce répit, salué par les chancelleries, reste d’une extrême fragilité. Entre pressions politiques, détresse humanitaire et fractures internes, il dessine le visage d’une paix suspendue.

Un cessez-le-feu sous tension

Depuis son entrée en vigueur, le cessez-le-feu a permis le retour partiel de l’aide humanitaire. Des convois de nourriture, de médicaments et de carburant franchissent enfin les points de passage. Mais ces livraisons demeurent dérisoires face aux besoins d’une population épuisée. Selon le Bureau de la coordination humanitaire de l’ONU (OCHA), plus de 70 % des infrastructures civiles sont endommagées, et la majorité des habitants du nord de Gaza survivent avec moins de 6 litres d’eau par jour.

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Les hôpitaux fonctionnent à peine, faute d’électricité. Le docteur Mahmoud al-Khudari, chirurgien à l’hôpital Al-Shifa, confie :

« Nous avons des blessés qui meurent d’infections simples. Ce cessez-le-feu n’a de sens que si les vivants peuvent être soignés. »

L’ONU tire la sonnette d’alarme : le risque de famine et de maladies hivernales s’accroît de jour en jour.

Nouveaux éléments sur le terrain

Des révélations récentes jettent une ombre sur la trêve. Plusieurs cadavres palestiniens restitués par Israël montrent des signes de torture et d’exécutions sommaires, selon une enquête publiée par The Guardian (15 octobre 2025). Ces faits, s’ils se confirment, pourraient fragiliser davantage le processus de paix.

Par ailleurs, Washington a appelé publiquement le Hamas à « cesser les violences contre les civils et à se désarmer sans délai » (Reuters, 15 octobre 2025). En parallèle, la Turquie a nommé Mehmet Güllüoğlu, ancien chef de l’agence turque de gestion des catastrophes (AFAD), coordinateur spécial de l’aide humanitaire à Gaza. Ankara espère ainsi consolider la reconstruction et renforcer la présence turque dans la région.

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Diplomaties croisées et calculs géopolitiques

Derrière les efforts de médiation, chaque acteur avance ses pions. Le Qatar, principal canal de communication avec le Hamas, s’efforce d’obtenir des concessions : démilitarisation partielle, réintégration progressive de l’Autorité palestinienne et contrôle plus strict de l’aide.

L’Égypte, de son côté, veut éviter une déstabilisation de sa frontière à Rafah, tandis que la Turquie et l’Iran cherchent à se positionner comme protecteurs du peuple palestinien. Une réunion tenue à Sharm El-Sheikh le 13 octobre dernier a rassemblé une trentaine de pays, sans la participation directe des belligérants. Objectif : définir les contours d’une force internationale de stabilisation, incluant possiblement des contingents d’Indonésie, du Pakistan ou d’Azerbaïdjan.

Le politologue français Bertrand Badie le rappelle :

« Dans les conflits asymétriques, le cessez-le-feu est souvent une respiration stratégique, non un pas vers la réconciliation »
(Le Temps des humiliés, Odile Jacob, 2014, p. 223).

Gaza, champ de ruines et de résistance

Sur le terrain, la misère reste abyssale. Des milliers de familles tentent de regagner le nord de la bande, malgré les destructions et l’absence d’eau potable. Les ONG alertent sur la propagation du choléra et sur la crise hivernale qui s’annonce.

Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens, résume la situation :

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« Un cessez-le-feu sans justice est une suspension de la souffrance, non sa fin »
(Rapport au Conseil des droits de l’homme, Genève, 2024, p. 18).

Les affrontements internes, entre factions palestiniennes, ajoutent à la confusion. Des exécutions sommaires, des règlements de compte et des purges internes sont rapportés.

Les fondements spirituels de la paix

Face à ce chaos, la conscience morale du monde est interpellée. Le Coran exhorte les croyants :

« Et s’ils inclinent à la paix, alors incline vers elle toi aussi, et place ta confiance en Allah »
(Sourate 8, verset 61).

Mais comme le soulignait Ibn al-Qayyim, « la paix véritable ne réside pas dans l’absence d’armes, mais dans la présence de la justice » (Zad al-Ma‘ad, vol. 3, p. 227).

Pour le penseur Tariq Ramadan,

« La paix n’est jamais un simple arrêt des combats : elle suppose une reconnaissance mutuelle, un respect de la dignité humaine et un engagement à réparer les torts »
(Islam et liberté, Presses du Châtelet, 2012, p. 191).

Enfin, Cheikh Ahmadou Bamba, dans son œuvre spirituelle, nous rappelle :

« La paix ne s’impose pas par la puissance des armes, mais par la puissance de la justice. »

Vers une paix juste et durable

Transformer ce cessez-le-feu en paix durable exige plus que des signatures. Il faut lever le blocus, réhabiliter les infrastructures, protéger les civils et garantir la libre circulation de l’aide. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le soulignait récemment :

« Un cessez-le-feu qui ne prépare pas la paix prépare la prochaine guerre »
(Discours au Conseil de sécurité, 3 octobre 2025).

Conclusion

Le cessez-le-feu à Gaza n’est pas encore une victoire, mais un sursis. Il interroge notre capacité à faire primer la justice sur la vengeance, la dignité sur les rapports de force.

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Gaza demeure aujourd’hui un miroir : celui des contradictions du monde entre le droit et la force, la compassion et l’indifférence. Si la communauté internationale ne transforme pas cette trêve en espoir concret, le souffle de la paix s’éteindra à nouveau — dans la poussière des ruines et le silence des innocents.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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