
N’Djaména, 5 mai 2025 – Depuis plus d’une semaine, l’activiste panafricaniste Kémi Séba séjourne au Tchad. Connu pour ses positions radicales contre le franc CFA et le néocolonialisme français, il a profité de cette visite pour tenir une conférence de presse très suivie à N’Djaména, dénonçant une nouvelle fois l’héritage monétaire colonial et appelant à une Afrique souveraine. Une présence qui provoque un malaise au sein des autorités tchadiennes, accusées par certains d’avoir facilité sa venue, tout en prenant leurs distances devant la polémique.
Une figure controversée au cœur de la capitale
Accueilli en “héros” par une frange militante de la jeunesse tchadienne, Kémi Séba n’est pas un inconnu en Afrique francophone. Président de l’ONG Urgences Panafricanistes, il mène depuis plusieurs années un combat idéologique contre le franc CFA, qu’il considère comme un symbole de domination économique française sur les États africains.
Au cours de sa conférence de presse organisée le 3 mai dans la capitale, il a réaffirmé avec véhémence son opposition au franc CFA, dénonçant également les accords de coopération militaire et l’influence géopolitique persistante de la France sur le continent. Il a appelé les jeunes Africains à “se réveiller” et à reprendre en main leur destin.
“Ce n’est pas un combat contre un pays, c’est un combat pour notre dignité et notre liberté économique”, a déclaré Kémi Séba face à une assemblée acquise à sa cause.
Le pouvoir dans l’embarras ?
Depuis cette apparition médiatique, les critiques fusent. Sur les réseaux sociaux comme dans certaines tribunes politiques, des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles appellent une “hypocrisie gouvernementale”. D’après elles, le pouvoir aurait discrètement facilité l’arrivée de l’activiste, avant de chercher à s’en désolidariser devant l’ampleur des réactions suscitées.
“Comment un homme interdit dans plusieurs pays africains peut-il organiser une conférence au cœur de la capitale sans l’aval des autorités ?” questionne un analyste politique tchadien, sous couvert d’anonymat.
Le gouvernement tchadien, lui, garde le silence, alimentant ainsi les soupçons d’un soutien tacite ou, à tout le moins, d’un malaise institutionnel face à la popularité croissante du discours anti-CFA.
Un débat loin d’être clos
Le passage de Kémi Séba au Tchad remet en lumière un débat qui divise profondément les opinions publiques africaines. Pour ses partisans, il est un porte-voix de la souveraineté africaine, un militant de la libération économique et identitaire du continent. Pour ses détracteurs, il est un agitateur, dont les discours incendiaires et les méthodes populistes risquent de fragiliser les équilibres sociaux et politiques déjà précaires dans certains pays.
Il faut rappeler que l’activiste franco-béninois a été expulsé de plusieurs pays dans le passé, notamment du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, pour ses prises de position jugées extrêmes ou ses actions symboliques, comme le brûlage d’un billet de franc CFA.
Un message qui touche la jeunesse africaine
Malgré les polémiques, la voix de Kémi Séba continue de porter, notamment auprès de la jeunesse urbaine africaine, souvent désabusée par les promesses non tenues des élites politiques. Dans un contexte de crise économique et de chômage endémique, son discours trouve un écho croissant auprès de ceux qui voient dans le franc CFA un carcan à leur développement.
“Le franc CFA est un outil de servitude moderne”, martèle-t-il, tout en annonçant l’ouverture prochaine d’une antenne de son organisation Urgences Panafricanistes à N’Djaména.
Un tournant pour le Tchad ?
La visite de Kémi Séba interroge sur les équilibres politiques actuels au Tchad. Le pays, encore en quête de stabilité après la transition entamée en 2021, se retrouve face à un dilemme : comment gérer les revendications panafricanistes sans compromettre ses partenariats stratégiques, notamment avec la France ?
Ce séjour, qui n’a rien d’anodin, pourrait marquer un tournant dans la façon dont la jeunesse tchadienne – et plus largement africaine – s’engage dans les débats de souveraineté, d’identité et de modèle économique.
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Par la rédaction de DUNIA News
Rubrique Politique & Société