LA JEUNESSE SÉNÉGALAISE FACE AU MIRAGE DE LA RÉUSSITE : ENTRE RÊVE, ILLUSION ET DIGNITÉ PERDUE

Par Imam chroniqueur Babacar Diop
Alors que les pouvoirs publics redoublent d’efforts pour endiguer l’émigration clandestine, une autre tentation, plus silencieuse, gagne la jeunesse sénégalaise : celle de la réussite à tout prix, même au péril de la vie. Dans les quartiers populaires comme dans les villages reculés, beaucoup de jeunes voient dans le départ à l’étranger une planche de salut. Pourtant, ce rêve de gloire se transforme souvent en cauchemar.
LE FOOTBALL, ENTRE PASSION ET PIÈGE DORÉ
Le football, jadis symbole d’unité et de rêve collectif, est aujourd’hui devenu un terrain miné par les fausses promesses.
Des recruteurs sans scrupules, surfant sur le prestige de ce sport, promettent monts et merveilles à de jeunes talents.
Beaucoup tombent dans le piège de pseudo-agences ou de contrats frauduleux.
Sadio Mané, icône planétaire, avait pourtant emprunté un chemin de droiture et de travail.
« Ce n’est pas la fuite qui m’a fait grandir, mais la patience et le travail », déclarait-il à Canal+ en 2021.
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Le sociologue Dr Abdoulaye Diouf rappelle :
« Le mirage de la réussite par la migration traduit une perte de confiance en notre potentiel collectif. »
(Sociologie de la jeunesse africaine, L’Harmattan, 2020, p. 87).
LES ROUTES DE LA MORT ET LE COMMERCE DE L’ESPOIR
Des centaines de jeunes continuent d’affronter les vagues de l’Atlantique ou la route du Nicaragua vers les États-Unis, dans des conditions inhumaines.
Ces itinéraires, souvent orchestrés par des réseaux mafieux, constituent un commerce cynique de l’espérance.
Cheikh Ahmadou Bamba l’avait pourtant dit avec force :
« Celui qui fuit sa responsabilité ici-bas en pensant trouver la gloire ailleurs, fuit la lumière vers l’ombre. »
Pour le fondateur du mouridisme, la véritable émancipation réside dans l’effort sincère (khidma), c’est-à-dire le service rendu à Dieu et à la communauté.
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RÉUSSIR SANS PERDRE SON ÂME
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Le Saint Coran exhorte :
« Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction. »
(Sourate Al-Baqara, 2 : 195).
Cette injonction divine rappelle que la vie est sacrée et qu’aucune ambition ne saurait justifier son sacrifice.
L’Imam Al-Ghazâlî écrivait dans Ihyâ’ ‘Ulûm ad-Dîn (tome 4, p. 112) :
« Celui qui cherche le succès en dehors des voies légitimes ferme la porte de la bénédiction. »
Et Ibn Taymiyya avertissait :
« La gloire sans vertu n’est qu’un mirage qui détourne l’homme de sa mission : être utile à sa communauté et agréable à son Créateur. »
(Majmû‘ al-Fatâwâ, vol. 10, p. 512).
LEÇONS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
Les penseurs modernes rejoignent cette sagesse spirituelle.
Le philosophe Charles Pépin écrit dans Les Vertus de l’échec (Allary Éditions, 2016, p. 45) :
« La réussite n’est pas un droit, mais une conséquence d’un long apprentissage de soi. »
Le pédagogue sénégalais Pr Ibrahima Sarr souligne :
« Le drame de nos jeunes, c’est de vouloir être sans vouloir devenir. »
(Éducation et société au Sénégal, NEAS, 2019, p. 203).
Et le Prophète Muhammad (PSL) enseignait :
« Le croyant fort est plus aimé d’Allah que le croyant faible, bien qu’il y ait du bien dans les deux. Recherche ce qui t’est utile, implore l’aide d’Allah et ne faiblis pas. »
(Sahih Muslim, Hadith n°2664).
CROIRE EN LA RÉUSSITE ICI
Le Sénégal n’est pas un désert d’opportunités.
Nos académies sportives, nos programmes d’entrepreneuriat, nos terres agricoles et nos innovations numériques offrent des voies réelles vers la réussite.
Encore faut-il la foi, la discipline et la constance.
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Serigne Babacar Sy enseignait :
« Le vrai voyage de l’homme, c’est celui qui le rapproche de Dieu, non celui qui l’éloigne de lui-même. »
CONCLUSION
« Réussir à tout prix n’a de sens que si ce prix ne coûte pas notre humanité. Ce n’est pas la destination qui fait la grandeur, mais la droiture du chemin. »
La jeunesse sénégalaise n’a pas besoin de fuir pour briller.
Elle a besoin de croire, d’apprendre et de bâtir ici.
Le véritable succès n’est pas une fuite vers l’ailleurs, mais une fidélité à soi, à Dieu, et à la patrie.
Imam chroniqueur Babacar Diop













