Madagascar : le colonel Randrianirina s’apprête à prêter serment, l’armée reprend les rênes du pouvoir

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Madagascar : le colonel Randrianirina s’apprête à prêter serment, l’armée reprend les rênes du pouvoir

Après la destitution d’Andry Rajoelina, le colonel Michael Randrianirina sera investi président vendredi à Antananarivo. À la tête de la junte militaire qui contrôle désormais le pays, il promet de « restaurer l’ordre et de préparer de nouvelles élections ». Mais derrière ce discours d’apaisement, se profilent de sérieuses inquiétudes sur l’avenir démocratique de la Grande Île.

C’est un scénario que les Malgaches connaissent trop bien : un pouvoir civil ébranlé, un président déchu, et l’armée qui reprend la main « au nom de la nation ».
Le colonel Michael Randrianirina, jusque-là peu connu du grand public, s’imposera officiellement vendredi comme le nouveau chef de l’État. Issu de l’unité d’élite CAPSAT, il a justifié cette prise de pouvoir par la « défaillance du régime civil » et la « nécessité de sauver la République ».

L’ancien président Andry Rajoelina, fragilisé par des manifestations massives de jeunes et par la défection d’une partie de l’armée, a quitté la capitale. Quelques heures plus tard, la Haute Cour constitutionnelle reconnaissait Randrianirina comme président de transition, ouvrant un chapitre inédit dans l’histoire politique récente du pays.

Né dans la région d’Androy, dans le sud aride de Madagascar, Michael Randrianirina est un officier formé sur le terrain plutôt qu’à l’étranger, à la différence de nombreux cadres militaires. Ancien gouverneur d’Androy entre 2016 et 2018, il s’est fait remarquer par ses positions fermes contre la corruption et son discours populiste sur « la dignité des soldats face aux élites politiques ».

Son parcours est toutefois marqué par plusieurs zones d’ombre : en 2023, il avait été arrêté pour « incitation à la mutinerie », avant d’être relâché avec sursis.
Aujourd’hui, celui que la presse locale surnomme le « colonel du Sud » s’avance comme le sauveur d’une nation « au bord du gouffre ».

Dans un discours solennel à la télévision nationale, Randrianirina a promis la mise en place d’un gouvernement de transition et la tenue d’élections dans un délai de 18 à 24 mois. Il s’est engagé à lutter contre la pauvreté et à restaurer la sécurité dans un pays où plus de 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Mais derrière ces promesses, les signes d’un durcissement se multiplient : dissolution du Sénat, suspension de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale, arrestations de proches de Rajoelina, surveillance accrue des médias.
Pour l’opposition civile, cette « prise de responsabilité » est en réalité un coup d’État déguisé, dans la lignée des précédents épisodes de 2002 et 2009.

L’Union africaine a suspendu Madagascar de ses instances, dénonçant un changement anticonstitutionnel de pouvoir.
Le Secrétaire général des Nations unies a exprimé sa « préoccupation profonde » face à cette dérive, tandis que plusieurs chancelleries occidentales appellent au respect du calendrier électoral.
Les voisins africains, notamment les Comores et le Mozambique, restent prudents, craignant un effet domino dans la région.

Dans les rues d’Antananarivo, la population oscille entre espoir et résignation. « S’il peut nous redonner de quoi manger, qu’il gouverne », confie un vendeur de rue à la presse locale. D’autres redoutent le retour d’une répression militaire qui ne dit pas son nom.

Le cas malgache illustre une tendance préoccupante : la résurgence des régimes militaires sous couvert de transition.
Après le Sahel et le Gabon, c’est désormais l’océan Indien qui se trouve confronté à cette tentation de l’ordre par la force.
Madagascar, longtemps cité comme un modèle fragile mais civil, bascule à son tour dans l’incertitude.

La promesse de stabilité est séduisante, mais le prix à payer pourrait être lourd : celui du silence, de la peur et du recul démocratique.
Reste à savoir si le colonel Randrianirina tiendra parole ou s’il rejoindra la longue liste des chefs de transition qui s’éternisent au pouvoir.

Celine Dou

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