Une tempête politique et judiciaire secoue la République démocratique du Congo alors que le ministre de la Justice, Constant Mutamba Tungumba, fait l’objet d’une enquête pour détournement présumé de fonds publics. Le haut responsable gouvernemental a été formellement interdit de quitter la ville de Kinshasa, sur décision du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu.

Dans une correspondance officielle adressée à la Direction générale de la migration (DGM), le procureur a ordonné cette restriction en s’appuyant sur l’article 83, alinéa 1, de la loi organique relative à la Cour de cassation. Cette mesure est intervenue au lendemain du vote décisif de l’Assemblée nationale, qui a levé l’immunité parlementaire du ministre afin de permettre l’ouverture de poursuites judiciaires.
Le dimanche 15 juin, sur les 363 députés présents, 322 ont voté en faveur de cette levée d’immunité, 29 s’y sont opposés et 12 se sont abstenus. Le vote s’est fondé sur les articles 153 et 166 de la Constitution congolaise, dans un climat de forte pression politique et médiatique.
Un paiement anticipé controversé
L’affaire qui éclabousse le ministre trouve son origine dans un paiement de 19 millions de dollars effectué en avril 2025 à la société Zion Construction. Cette somme devait servir à la construction d’un établissement pénitentiaire à Kisangani. Cependant, selon le parquet, l’entreprise destinataire ne disposerait d’aucune structure opérationnelle effective et aurait perçu les fonds sur un compte bancaire privé, sans disposer d’un mandat légal et sans avoir entamé les travaux.
Une commission parlementaire spéciale, créée le 11 juin pour examiner les circonstances de cette transaction, a confirmé plusieurs irrégularités administratives et financières. Ses conclusions ont renforcé les soupçons à l’encontre du ministre et motivé la levée de son immunité.
Réactions et tensions politiques
Face à ces accusations, Constant Mutamba clame son innocence et dénonce ce qu’il qualifie de « cabale politique ». Il a tenté, sans succès, de récuser le procureur général chargé de l’enquête. L’affaire pourrait prochainement être portée devant la Cour de cassation.
Du côté des institutions, cette décision judiciaire est saluée comme un signal fort dans la lutte contre la corruption. Pour Vital Kamerhe, secrétaire général de l’Assemblée nationale, « c’est un tournant majeur dans l’affirmation de la responsabilité politique et judiciaire des membres du gouvernement ».
Vers un renforcement de la transparence ?
Ce dossier intervient dans un contexte de campagne nationale contre la corruption menée par les autorités congolaises. Plusieurs personnalités politiques et responsables publics sont dans le viseur de la justice depuis le début de l’année. L’interpellation du ministre de la Justice — qui devrait être garant de l’État de droit — ajoute une dimension symbolique forte à cette croisade pour plus de transparence.
L’opinion publique suit avec attention l’évolution du dossier. Si les charges sont confirmées, l’issue du procès pourrait servir de précédent et renforcer le rôle des institutions judiciaires dans la reddition des comptes au plus haut niveau de l’État.
Imam chroniqueur Babacar Diop