Réforme électorale au Sénégal : un impératif pour renforcer la démocratie et rationaliser le paysage politique

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Réforme électorale au Sénégal : un impératif pour renforcer la démocratie et rationaliser le paysage politique

Le Sénégal se distingue en Afrique comme un bastion de démocratie stable, à l’heure où de nombreux pays du continent sont confrontés à des coups d’État militaires ou à des conflits internes pour la conquête du pouvoir. Cette stabilité démocratique repose notamment sur l’organisation régulière d’élections législatives qui permettent aux citoyens d’élire leurs représentants à l’Assemblée nationale.

Cependant, malgré ses acquis, le système électoral sénégalais présente des limites qui appellent à une réforme en profondeur afin d’assurer une meilleure représentativité et une légitimité renforcée des élus. Deux points majeurs concentrent les critiques : le recours à la liste nationale et le mécanisme du « plus fort reste » dans la répartition des sièges.

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La liste nationale : un frein à la démocratie de proximité

Le mode de scrutin sénégalais combine une liste majoritaire départementale et une liste proportionnelle nationale. Cette dernière permet à des partis politiques de remporter des sièges en fonction de leur score au niveau national, indépendamment de leur implantation locale. Un député élu sur cette base ne représente donc pas un territoire spécifique, mais plutôt la force électorale globale de son parti.

Cette situation soulève une question fondamentale de légitimité démocratique. Un député doit idéalement être un représentant de proximité, lié aux réalités et aux besoins spécifiques de sa circonscription. Or, les députés issus de la liste nationale échappent à ce lien direct avec les électeurs locaux, devenant des représentants davantage des appareils partisans que des citoyens eux-mêmes. Cette configuration nourrit un déficit de représentation populaire, éloignant le mandat parlementaire des préoccupations concrètes des territoires. Pour ces raisons, la suppression de la liste nationale s’impose comme une mesure nécessaire pour renforcer la démocratie locale et responsabiliser davantage les élus.

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Le « plus fort reste » : facteur de fragmentation et de coûts élevés

Le système du plus fort reste, utilisé pour affiner la répartition proportionnelle des sièges, contribue paradoxalement à la multiplication exponentielle des listes électorales. Depuis la deuxième alternance, le nombre de listes aux législatives ne cesse d’augmenter : 24 en 2012, 47 en 2017 et 41 en 2024. Ce phénomène favorise la fragmentation politique et la prolifération de partis éphémères souvent portés par des ambitions individuelles plus que par des projets collectifs solides.

Par ailleurs, ce mode de calcul permet à des formations politiques disposant d’un faible ancrage électoral de décrocher des sièges à l’Assemblée nationale avec un nombre limité de voix — parfois moins de 30 000 suffisent. Aux dernières législatives, plusieurs listes ont ainsi obtenu un siège malgré un score modeste, ce qui affaiblit la représentativité réelle des élus.

Au-delà de ces implications politiques, le système pèse lourdement sur les finances publiques. Pour chaque liste, le nombre de bulletins imprimés correspond au nombre d’électeurs inscrits, voire plus, avec un coût unitaire d’environ 18 francs CFA par bulletin. Avec 41 listes en lice en 2024, le nombre total de bulletins s’élève à plus de 300 millions, pour un coût dépassant les 5 milliards de francs CFA, une dépense considérable pour l’État et les contribuables, d’autant plus que beaucoup de ces bulletins restent inutilisés.

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Vers une réforme nécessaire mais politiquement délicate

La réforme du système électoral sénégalais, bien que risquée pour certains acteurs politiques attachés à leur légitimité et à leur influence, apparaît indispensable pour rationaliser les listes électorales et renforcer la qualité de la représentation parlementaire. Supprimer la liste nationale et le système du plus fort reste pourrait contribuer à renforcer la démocratie de proximité, réduire la fragmentation du paysage politique et alléger les coûts liés aux élections.

Cette réforme ne doit pas être perçue comme un frein à la pluralité politique, mais comme une étape visant à garantir une démocratie plus transparente, plus efficace et plus en phase avec les attentes des citoyens. Elle s’inscrit dans la dynamique d’une Afrique qui aspire à un renouveau démocratique durable, à l’image de ce que le Sénégal pourrait incarner en modernisant son système électoral.

-imam chroniqueur Babacar Diop

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