Saint-Louis célèbre le retour de Cheikh Ahmadou Bamba : entre ferveur, héritage et appel à la paix

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Saint-Louis célèbre le retour de Cheikh Ahmadou Bamba : entre ferveur, héritage et appel à la paix

Du 8 au 15 novembre 2025, la ville historique de Saint-Louis vibrera au rythme du Magalu Ndamli, un grand rassemblement religieux et culturel dédié à la commémoration du retour d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), fondateur de la confrérie mouride.
La cérémonie principale est prévue pour le 15 novembre, sous l’égide du Khalife général des mourides, avec la bénédiction des autres Khalifes généraux du Sénégal.
Selon les organisateurs, cette édition traduit « la volonté d’unir la communauté musulmane autour des valeurs d’humilité, de travail et de paix que prônait le Cheikh ».

Un thème tourné vers la paix et le développement

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Cette année, le Magalu Ndamli est placé sous le thème :

« Célébrer le patrimoine islamique d’Afrique et du monde : un héritage spirituel au service de la paix, de la culture et du développement. »

L’événement est organisé par l’association Euhlou Khidma, basée à Saint-Louis et Touba Barsakh, qui œuvre pour « la promotion des valeurs léguées par nos illustres guides religieux ».
Un communiqué publié par l’association rappelle que « le message du Cheikh transcende les frontières : il prône la solidarité, le dialogue interreligieux et l’union des peuples dans la paix » (Euhlou Khidma, communiqué du 2 novembre 2025).

Ce message rejoint la vision exprimée par Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des mourides, lors du Grand Magal de Touba 2024 :

« La voie de Bamba, c’est celle du travail, de la connaissance et du pardon. C’est ainsi que l’on peut bâtir un monde apaisé. »
(Discours officiel du 26 août 2024, Touba)

Le message intemporel du Cheikh : foi, science et travail

Durant son exil au Gabon (1895-1902), Cheikh Ahmadou Bamba rédigea plusieurs textes majeurs, dont le célèbre Massalik al-Jinân (« Les Itinéraires du Paradis »), véritable traité d’ascèse et de transformation de soi.
On y lit :

« Le travail accompli avec sincérité est un acte d’adoration ; la science, une lumière qui éclaire la voie du croyant. »
(Massalik al-Jinân, vers 458-462, éd. Touba, 2008).

Cette spiritualité du travail comme acte de foi a profondément marqué le mouridisme.
L’historien Cheikh Anta Babou explique :

« Pour Bamba, l’effort économique n’est pas séparable de l’effort spirituel. Travailler, c’est prouver sa confiance en Dieu et sa responsabilité envers la communauté. »
(Fighting the Greater Jihad: Amadu Bamba and the Founding of the Muridiyya of Senegal, 1853-1913, Ohio University Press, 2007, p. 215).

Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne souligne aussi :

« L’enseignement de Bamba est un humanisme spirituel : il fonde la dignité de l’homme sur la connaissance, la patience et la maîtrise de soi. »
(Comment philosopher en islam ?, Albin Michel, 2013, p. 147).

Un héritage africain et universel

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Pour beaucoup, le retour d’exil du Cheikh n’est pas seulement un épisode historique, mais une renaissance morale et culturelle.
Le Magalu Ndamli rappelle cette mémoire tout en l’ancrant dans le présent.
Le sociologue Abdoulaye Bara Diop, dans La société wolof – Tradition et changement (Karthala, 1981, p. 329), note que « la confrérie mouride a contribué à structurer une éthique du travail et de la solidarité qui dépasse les frontières religieuses ».

De même, Cheikh El Hadj Malick Sy (1855-1922) disait :

« L’amour de Dieu se manifeste par l’amour du bien, et le bien n’existe pas sans la paix entre les hommes. »
(Khilaçu Zahab, éd. 1917, p. 52).

Ainsi, la célébration de Saint-Louis s’inscrit dans une logique d’unité spirituelle, où le patrimoine islamique africain est mis au service de la paix, du savoir et du développement.
Le Coran lui-même exhorte :

« En vérité, les serviteurs du Tout-Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur la terre et qui, lorsque les ignorants les interpellent, répondent : “Paix.” »
(Sourate Al-Furqân [25:63]).

Une célébration de lumière et de gratitude

Pour Imam Babacar Diop, chroniqueur religieux,

« Célébrer le retour de Cheikh Ahmadou Bamba, c’est célébrer la victoire de la foi sur la contrainte. C’est un rappel que la véritable liberté naît du cœur soumis à Dieu. »

Il ajoute :

« Saint-Louis devient, le temps d’une semaine, un sanctuaire de mémoire et de lumière. Ce retour symbolise la fidélité d’un peuple à son guide, mais aussi la promesse d’un avenir fondé sur la paix, la connaissance et le travail. »

Un pèlerinage de l’esprit

Du 8 au 15 novembre, des milliers de fidèles sont attendus à Saint-Louis. Des conférences, récitals poétiques, expositions et prières collectives rythmeront la semaine.
Pour beaucoup, ce Magalu Ndamli n’est pas seulement un hommage au passé, mais un pèlerinage intérieur, où chacun renouvelle son engagement à vivre selon les valeurs du Cheikh : foi, discipline et service désintéressé.

Car, comme le rappelait Serigne Saliou Mbacké :

« Celui qui sert Dieu avec sincérité finit toujours par triompher, même s’il passe par les chemins de l’épreuve. »
(Entretien à Touba, 1999, archives Mourides).

Conclusion

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Le Magalu Ndamli de Saint-Louis n’est pas qu’une commémoration : c’est un appel à raviver l’esprit du Cheikh Ahmadou Bamba dans un monde en quête de repères.
Son message, intemporel, relie la foi à l’action, la science à la sagesse, la paix à la responsabilité.
Et Saint-Louis, ville symbole de mémoire et de résistance, redevient, comme en 1902, le témoin du triomphe spirituel sur la contrainte matérielle.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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