
Cotonou, 8 mai 2025 – Alors que la menace terroriste continue de s’intensifier dans la région du Sahel, le Bénin se distingue de plus en plus par une approche singulière : plutôt que de s’aligner entièrement sur la doctrine militaire de l’Alliance des États du Sahel (AES), le pays privilégie une stratégie fondée sur le dialogue communautaire, la prévention de l’extrémisme violent et l’engagement local. Une orientation qui pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l’insécurité dans le nord du pays.
Une stratégie axée sur la prévention et la résilience communautaire
Depuis plusieurs mois, le gouvernement béninois multiplie les initiatives de terrain pour renforcer la cohésion sociale dans les zones frontalières du nord, où l’influence des groupes jihadistes ne cesse de croître. En octobre 2023, un important dialogue communautaire s’est tenu à Natitingou, réunissant chefs traditionnels, religieux, représentants de la société civile et acteurs institutionnels. Cette rencontre, centrée sur le lien entre criminalité organisée, insécurité et radicalisation, visait à construire une réponse locale, inclusive et durable à la menace terroriste.
« Il ne s’agit pas seulement de combattre militairement les groupes armés, mais de comprendre ce qui pousse certains jeunes à les rejoindre », expliquait alors un participant au forum. Cette vision s’appuie sur le constat partagé selon lequel l’exclusion, la pauvreté et le sentiment d’abandon favorisent l’adhésion aux discours extrémistes.
Loin de l’AES, mais pas isolé
Contrairement au Burkina Faso, au Mali ou au Niger, regroupés depuis 2023 au sein de l’AES — alliance militaire tournée vers une autonomie stratégique, en rupture avec la CEDEAO et certains partenaires occidentaux —, le Bénin a choisi une posture plus souple. Bien que concerné par les mêmes menaces sécuritaires, il ne partage ni l’approche militariste ni les positions diplomatiques radicales de ses voisins sahéliens.
Le Bénin a signé en 2022 un accord de coopération militaire avec le Niger, mais depuis le coup d’État à Niamey et la détérioration des relations diplomatiques, les collaborations régionales ont connu un ralentissement. Le pays n’a jamais manifesté l’intention d’intégrer l’AES et continue de plaider pour une coordination élargie, incluant la CEDEAO et d’autres partenaires internationaux.
Une coopération régionale en suspens, mais des appels persistants à l’unité
Malgré les tensions diplomatiques avec le Niger, notamment liées à l’embargo imposé par la CEDEAO et aux accusations de collusion avec la France, le Bénin reste actif sur le front de la coopération régionale. En janvier 2025, le chef d’état-major des armées béninoises a réitéré l’importance d’une action commune avec le Burkina Faso et le Togo pour sécuriser les zones frontalières.
Parallèlement, le pays accueille régulièrement des forums sous-régionaux sur la paix et la sécurité, comme celui organisé à Cotonou par l’Union africaine en août 2024, où l’accent a été mis sur la médiation communautaire et les réponses locales au radicalisme.
Un pari audacieux
La stratégie béninoise, bien qu’ambitieuse, comporte des risques. Miser sur le dialogue dans un contexte où certains groupes armés multiplient les attaques contre les forces de défense peut être perçu comme un signe de faiblesse. Toutefois, elle pourrait aussi offrir une solution complémentaire à la seule réponse militaire, souvent jugée insuffisante pour éradiquer les causes profondes du terrorisme.
« C’est un pari sur le long terme », estime un chercheur en géopolitique. « Le Bénin semble vouloir construire une résilience de l’intérieur, en faisant confiance à ses communautés. Cela nécessite du temps, de la patience, et surtout, une volonté politique constante. »