Et si le vrai danger n’était pas la violence, mais le sommeil ?

Dans On Nous Endort, Frédéric Herman Tossoukpe livre une charge vibrante contre les mécanismes d’aliénation qui anesthésient les consciences — surtout celles de la jeunesse. À travers une plume à la fois insoumise et sensible, il dévoile les stratégies de diversion orchestrées par un système qui préfère des citoyens distraits à des esprits éveillés.
Ce livre n’est pas un simple cri de colère : c’est un appel à la lucidité, à la révolte intérieure, à la reconstruction par la pensée, la culture et l’action.
Entre essai critique et manifeste poétique, On Nous Endort interroge notre époque et invite chacun à rallumer sa propre flamme.
Un miroir tendu à celles et ceux qui sentent, confusément, qu’il est temps de sortir du brouillard.
Je n’ai pas écrit ce livre par envie. Je l’ai écrit par nécessité.
Il s’est imposé à moi comme un cri qu’on ne peut plus retenir, comme une évidence qui brûle les lèvres et tourmente les nuits. Ce n’est pas une œuvre née dans le confort d’un bureau tranquille, mais un texte forgé à chaud, dans l’inconfort de l’observation lucide, dans la douleur de voir, jour après jour, des intelligences s’éteindre, des jeunesses sombrer, des peuples marcher à reculons dans une lumière artificielle. Ce livre, je l’ai écrit parce que je ne pouvais plus me taire. Parce que le silence aussi est une complicité. Et qu’au bout d’un moment, on doit choisir entre dormir tranquille ou vivre éveillé — quitte à déranger.
On nous Endort n’est pas un pamphlet de plus, pas un exercice intellectuel pour flatter une élite. C’est une alarme. Un souffle. Un miroir. C’est un livre pour ceux qui sentent, au fond d’eux, qu’il y a quelque chose qui cloche mais qui ne savent pas toujours comment nommer ce malaise. C’est une tentative de mettre des mots sur ce que beaucoup ressentent confusément : que le monde dans lequel nous évoluons ne tourne pas rond, que le sommeil collectif dans lequel nous baignons n’est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d’un système intelligent, bien huilé, et profondément toxique.
Nous vivons dans un monde où l’on applaudit plus fort une danse virale qu’un discours éclairant. Où les jeunes, au lieu d’être préparés à penser, sont formatés pour consommer. Où la lucidité est vue comme un trouble et la critique comme une agression. Où le divertissement est devenu un opium, plus efficace encore que les chaînes d’autrefois. Ce livre cherche à remonter ce fleuve de l’oubli volontaire, à nager à contre-courant de la distraction permanente, à réveiller des étincelles dans les yeux éteints.
Ce que j’essaie de faire ici, c’est une lecture du présent. Une lecture sans concessions, mais non sans espoir. Je décris une société — la nôtre, au Togo, et bien au-delà — où tout semble conçu pour étouffer les possibles. Une société qui a peur de ses propres talents. Une société qui préfère l’ordre au sens, l’apparence à la profondeur, l’oubli à la mémoire. Dans ces pages, je tente de montrer comment le système dans lequel nous vivons a appris à neutraliser les révoltes, à désamorcer les consciences, à étouffer dans l’œuf les questionnements les plus fondamentaux. Il l’a fait non pas avec des armes ou des coups — encore que —, mais avec des écrans, des images, des idoles, des slogans. Il l’a fait en faisant passer la médiocrité pour du succès, la conformité pour de la réussite, l’abrutissement pour du progrès.
Mais ce livre ne s’arrête pas au constat. Il n’est pas une complainte de plus sur l’état du monde. Il veut être une passerelle, une bougie, une porte entrouverte. Il s’adresse aux jeunes, d’abord, parce qu’ils sont à la fois les plus visés et les plus puissants. Parce qu’en eux brûle encore la possibilité du basculement. Il s’adresse aussi aux artistes, aux enseignants, aux rêveurs, aux éveillés, aux rebelles silencieux, à tous ceux qui, dans l’ombre, continuent à croire qu’un autre futur est possible. À ceux qui se demandent s’ils sont fous de penser autrement — et à qui je veux dire : non, vous êtes lucides, et votre lucidité est précieuse.
Dans ce livre, je déconstruis les pièges du langage, les fausses promesses du progrès, les idoles creuses qu’on nous sert comme modèles, les systèmes éducatifs qui forment des exécutants plutôt que des penseurs, les médias qui préfèrent le buzz à la vérité. Je parle de nos rues devenues muettes, de nos talents muselés, de nos voix étouffées. Mais je parle aussi de ce qui résiste : la lecture, la pensée, la poésie, les collectifs citoyens, les jeunes qui se lèvent, les initiatives qui, dans le silence, reconstruisent une autre réalité. Je parle de cette force souterraine, invisible encore, mais réelle, qui grandit dans les marges.
Ce livre est un refus. Le refus de se résigner, de s’endormir, de suivre le troupeau en silence. Il est un appel. Un appel à la pensée libre, à la parole courageuse, à la réinvention collective. Il est aussi un acte d’amour : pour mon peuple, pour ma génération, pour les territoires abîmés mais pleins de vie. Il est un hommage à ceux qui, malgré tout, tiennent debout, rêvent encore, créent en marge des projecteurs, écrivent en dehors des lignes.
Je sais que certains préféreront détourner les yeux. Ce livre dérange. Il gratte là où ça fait mal. Il ne ménage personne, pas même moi. Mais je crois que nous avons besoin de ce dérangement. Besoin de cette secousse. Besoin de nous poser, enfin, les vraies questions : Qui décide de ce que nous pensons ? À qui profitent nos distractions ? Pourquoi avons-nous si peur de penser par nous-mêmes ? Que devient une société qui oublie ses poètes, ses philosophes, ses penseurs, ses rêveurs ? Que devient une jeunesse qu’on gave d’illusions mais à qui on interdit l’imaginaire ?
Si vous lisez ces lignes, ce n’est peut-être pas un hasard. Peut-être que, comme moi, vous avez senti le poids de ce sommeil imposé. Peut-être que vous avez vu les regards vides dans les bus, les visages fatigués devant les écrans, les colères rentrées dans les silences des quartiers. Peut-être que vous ressentez, vous aussi, ce besoin vital de comprendre, de nommer, de remettre du sens dans ce vacarme généralisé.
Alors je vous invite à poursuivre. À plonger dans ce livre non comme dans une leçon, mais comme dans une conversation. Une conversation honnête, sans filtres, entre ceux qui refusent de baisser les bras. Une conversation pour raviver les braises. Pour réveiller les esprits. Pour rallumer la pensée.
Nous ne sommes pas condamnés à dormir.
Auteur : Tossoukpe Frédéric Herman
Contactez l’auteur : tosherman66@gmail.com