
Il y a trois ans, lorsque la guerre éclata entre la Russie et l’Ukraine, ce fut la panique en Afrique.
Où irions-nous désormais chercher le blé qui sert à faire le pain dont nous ne pouvons plus nous passer ?
Où irions-nous désormais chercher les engrais qui nous permettent de faire pousser nos produits d’exportation dont nous ne pouvons plus nous passer ?
Nous dûmes envoyer le président du Sénégal, accompagné du président de la Commission de l’Union africaine, négocier avec le président russe Vladimir Poutine, pour ne pas dire le supplier, afin que nous ayons toujours notre pain quotidien.
Cette guerre russo-ukrainienne a montré tous les paradoxes de l’Afrique. Nous avons les terres les plus fertiles de la terre, mais c’est en Europe que nous allons chercher de quoi nous nourrir.
Parce que nous utilisons nos terres les plus fertiles à produire ce que les autres consomment et dont ils sont les seuls à fixer les prix.
Nous produisons du phosphate qui sert à fabriquer de l’engrais en grandes quantités au Togo et au Maroc, mais nous dépendons de l’Ukraine pour avoir de l’engrais.
Ne pouvons-nous pas, nous aussi, fabriquer de l’engrais ?
Même si nous n’avons pas les compétences pour le faire, ne pourrions-nous pas aller en chercher ailleurs ?
N’est-ce pas ce que font les autres pays qui veulent avancer ?
Tous les pays européens, le Canada, les Etats Unis, ne se gênent pas du tout pour aller chercher les talents dans tous les domaines sur les autres continents, y compris dans les pays les plus pauvres.
Et les pays asiatiques n’ont pas agi différemment pour amorcer leur développement.
Lorsque les Chinois, les Japonais, les Sud-coréens, les Malaysiens et autres ont décidé d’apprivoiser la technologie occidentale, ils ont envoyé des gens de chez eux se former en Occident et ont fait venir des Occidentaux pour les former sur place.
Pourquoi ne ferions-nous pas pareil ?Je crois que notre problème est que nous n’arrivons pas à définir clairement ce que nous voulons.
Nous disons tous que nous voulons émerger mais nous sommes pour l’essentiel incapables d’élaborer des politiques réalistes pour y parvenir.
Ce que nous constatons chez les autres peuples qui sont passés de la situation de pays très pauvres à celle de pays émergents, en particulier les pays d’Asie du Sud-est, est l’importance accordée à l’éducation.
Là-bas, la chose la plus importante pour des parents est la réussite de leurs enfants et pour cela ils sont prêts à tous les sacrifices. Et l’Etat de son côté met tout en œuvre pour que les citoyens aient la meilleure éducation possible.
J’ai vu une vidéo sur le jour de l’examen du baccalauréat en Corée du sud. Les policiers bloquent presque toutes les rues pour que les enfants puissent se rendre dans leurs centres d’examen sans encombre, les accompagnent même si cela est nécessaire, les avions sont interdits de survoler les centres pour ne pas perturber les enfants, etc.
Le culte de la réussite est si important dans ces pays que de nombreux enfants se suicident lorsqu’ils ont de mauvais résultats.
Aujourd’hui plus que jamais, nous n’avons pas d’autre choix que de compter d’abord sur nous-mêmes.
Le jour où nous aurons réellement intégré ce logiciel dans notre façon de penser et de nous conduire, nous réaliserons que nous sommes capables de réaliser de grandes choses.
Le temps de subir passivement l’histoire est passé. Nous devons nous réveiller et mouiller désormais le maillot et nous apprêter à avoir des callosités dans les mains.
Si nous avons su organiser la plus belle Coupe d’Afrique des Nations de l’histoire, si, étant descendus aux enfers nous avons néanmoins pu en ressortir pour nous retrouver au paradis, cela prouve que lorsque nous le voulons, nous sommes capables de réaliser des exploits.Venance Konan
Venance Konan