
La crise qui secoue les régions anglophones du Cameroun a engendré des réalités douloureuses et complexes pour les habitants. Parmi celles-ci, le droit de passage imposé par les groupes armés est devenu un véritable obstacle pour les familles endeuillées cherchant à enterrer leurs défunts. À Buéa, cette pratique alourdit encore plus le poids du deuil.
Une Négociation Inévitable
Wally, un habitant de Buéa, se prépare à organiser les funérailles de son grand frère, Divine. Malheureusement, pour ramener le corps au village situé dans le département de la Manyu, il doit d’abord négocier avec les séparatistes qui contrôlent les routes. « Quand ils savent que vous venez de la ville, ils prélèvent un certain montant avant de vous laisser entrer », explique-t-il, visiblement accablé par cette réalité.
Wally se souvient de la dernière fois qu’il a dû enterrer un proche. Pour sa mère, la famille a dû payer 300 000 francs (environ 450 euros) pour avoir le droit de passer. « Pourquoi devrais-je payer pour ramener mon frère chez lui ? Est-ce normal ? C’est juste que je ne peux pas affronter ces gens », s’interroge-t-il, exprimant sa frustration et son impuissance.
Une Tradition Sacrée
Pour Wally, il est impensable d’envisager d’enterrer son frère dans un cimetière à Buéa. « Home is home », dit-il avec conviction. La tradition veut que l’on ramène le corps auprès de sa famille, dans le village d’origine. « Quand le corps arrive près de la maison, on appelle le défunt en lui disant : viens, viens, nous rentrons, viens, tes proches t’attendent », raconte-t-il. Cette pratique est profondément ancrée dans leurs croyances : l’âme du défunt doit entendre ces mots pour pouvoir reposer en paix.
Un Deuil Complexe
Le droit de passage ne représente pas seulement une dépense financière, mais aussi un véritable défi émotionnel. Les familles doivent jongler entre le respect des traditions et la pression des groupes armés. Wally conclut, amer : « Sans la paix dans notre pays, il n’y a pas de paix dans nos cœurs et nos familles. » Cette phrase résonne comme un cri de désespoir face à une situation qui semble sans issue.
La crise anglophone au Cameroun continue d’affecter profondément la vie quotidienne des habitants. Le droit de passage, qui pèse sur les familles endeuillées, illustre les conséquences tragiques des conflits armés. Dans cette quête de paix et de réconciliation, il est crucial de rappeler que chaque vie, chaque décès, mérite d’être traité avec dignité et respect.
Les voix comme celles de Wally sont essentielles pour sensibiliser le monde à la souffrance des populations touchées par ce conflit. La paix reste le seul espoir pour des familles qui cherchent désespérément à retrouver un semblant de normalité dans un contexte de violence et d’instabilité.
reportage tiré de RFI