Il avait à peine six ans. Il s’appelait Mathys. Et ce samedi 7 juin 2025, le petit cercueil blanc a été mis en terre du côté de Bamena, dans l’Ouest du Cameroun. Ce nom, ce visage, ce drame ils ont traversé les réseaux sociaux, les quartiers, les familles. Car Mathys n’est pas mort de maladie ni d’accident : il a été assassiné, le 10 mai dernier, d’un coup de poignard porté par un homme identifié comme Dagobert Nwafo.

Comment un adulte peut-il s’en prendre à un bébé ? Comment une société en arrive-t-elle à ce degré d’abîme ? Et que faire quand la justice semble ne pas suivre l’émotion nationale ? Ce sont ces questions, brûlantes, que le meurtre de Mathys ravive au-delà du choc, au-delà de l’horreur.
Les faits sont connus, mais ils demeurent presque impossibles à énoncer sans trembler. Un nourrisson tué froidement par un proche de sa famille, dans des circonstances encore floues, mais dont la violence a sidéré. L’assassin présumé, arrêté et écroué à la prison de Nkondengui, attend toujours son jugement.
Pendant ce temps, une famille enterre son enfant. Et un pays attend. Attente de vérité. Attente de justice. Attente d’un signal fort.
Sur les réseaux sociaux, dans les médias alternatifs, dans les familles, l’émotion est vive. Des anonymes ont allumé des bougies. D’autres ont demandé des comptes à l’administration pénitentiaire, au système judiciaire, aux autorités. Les mots reviennent comme une plainte collective : Pourquoi ? Comment ? Jusque-là ?
Dans un pays où les crimes violents sont souvent noyés dans l’indifférence ou dans des lenteurs judiciaires, le cas Mathys fait figure de rupture. Car il touche à l’innocence pure. Il ne s’agit pas d’un règlement de compte, d’une querelle, d’un accident. Il s’agit d’un bébé. D’un être sans défense, sans voix, sans histoire encore. Et c’est cela qui blesse le plus : que ce soit lui qui ait payé.
Pour beaucoup, ce drame ne doit pas être refermé par une simple inhumation. Il appelle des réponses judiciaires nettes, fermes, à la hauteur du traumatisme national. L’accusé est aujourd’hui incarcéré. Mais sera-t-il jugé dans des délais raisonnables ? Sera-t-il sanctionné à la hauteur de l’acte commis ? L’institution judiciaire camerounaise est ici mise à l’épreuve.
Il ne s’agit pas de vengeance. Il s’agit de justice. De l’un des fondements de toute société civilisée.
L’affaire Mathys, au-delà de l’horreur qu’elle cristallise, interroge plus largement notre rapport à la vie, à la vulnérabilité, à la folie sociale qui rôde. Quelles failles permettaient qu’un tel crime ait lieu ? Quel silence, quelle impunité, quels antécédents ? Que savons-nous des violences intrafamiliales dans nos communautés ? Que savons-nous de la manière dont notre système prend soin ou pas de ses plus petits, de ses plus fragiles ?
Ce n’est pas à l’émotion de trancher. C’est au droit. Mais c’est à l’émotion de réveiller les consciences. Et c’est ce que fait aujourd’hui Mathys, depuis cette petite tombe de Bamena.
Ce n’était pas son heure. Ce n’était pas son destin. Et pourtant, Mathys est parti. Il ne pourra pas témoigner. Mais nous, collectivement, pouvons refuser que sa mort passe sous silence.