Yaoundé accueille des négociations stratégiques entre la République démocratique du Congo et le Cameroun. Objectif : faire du corridor Kribi-Zongo une nouvelle porte d’accès commerciale vers l’Atlantique pour désenclaver le nord de la RDC.

Le 11 juin 2025 à Yaoundé, une rencontre diplomatique discrète mais lourde d’enjeux s’est tenue entre l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) au Cameroun, Pierre Kashadile Bukasa Muteba, et Auguste Mbappe Penda, directeur général du Conseil national des chargeurs du Cameroun (CNCC). À l’agenda : renforcer la coopération logistique entre les deux pays, autour d’un projet majeur de transit régional.
Depuis le 12 mai 2025, les discussions entre les autorités camerounaises et congolaises portent sur l’opérationnalisation du corridor Kribi-Zongo, en passant par la République centrafricaine. Une voie qui permettrait à la RDC d’exporter et d’importer des marchandises via le port en eau profonde de Kribi, situé dans le sud du Cameroun.
La région du Grand Nord congolais, notamment les provinces du Haut-Uele, du Bas-Uele ou du Nord-Ubangi, souffre depuis des décennies d’un enclavement logistique chronique. Les infrastructures routières y sont précaires, et l’accès aux grands ports atlantiques de la RDC comme Matadi ou Banana est extrêmement difficile depuis ces zones septentrionales.
L’option d’un transit par les ports angolais s’est avérée complexe, en raison de tensions diplomatiques récurrentes entre Kinshasa et Luanda, de barrières administratives et de coûts logistiques élevés. Le port de Kribi apparaît alors comme une alternative stratégique, d’autant plus que sa modernisation en cours en fait l’un des hubs les plus performants de la façade atlantique de l’Afrique centrale.
Ce corridor traverserait la République centrafricaine, reliant le sud du Cameroun à la ville congolaise de Zongo, située face à Bangui, de l’autre côté de l’Oubangui. L’ambition : faciliter le passage du fret entre l’Atlantique et le Grand Nord congolais, en mobilisant les structures des deux Conseils de chargeurs (CNCC pour le Cameroun et OGEFREM pour la RDC).
Mais ce projet, bien que prometteur, soulève plusieurs défis. Il suppose une coopération renforcée entre trois États, la sécurisation des routes notamment en Centrafrique où l’insécurité reste élevée, ainsi que des investissements lourds pour adapter les infrastructures logistiques et douanières.
Pour le Cameroun, ce projet s’inscrit dans une volonté plus large de faire du port de Kribi un pôle logistique régional, capable de desservir non seulement les provinces camerounaises enclavées, mais aussi les pays voisins sans façade maritime : Tchad, RCA, nord de la RDC.
Le port de Kribi, avec ses terminaux en eau profonde, ses équipements modernes et ses connexions ferroviaires en cours d’extension, représente une opportunité géostratégique pour renforcer l’influence du Cameroun en Afrique centrale.
« Le projet Kribi-Zongo n’est pas seulement commercial. Il symbolise une dynamique régionale d’intégration par les infrastructures », explique un responsable du ministère camerounais des Transports, sous couvert d’anonymat.
L’éventuelle mise en service du corridor Kribi-Zongo redessinerait les flux commerciaux dans la sous-région. Elle ouvrirait un nouveau couloir stratégique Nord-Sud, reliant les provinces délaissées du nord-est congolais aux marchés internationaux.
Pour la RDC, c’est une chance d’atténuer les fractures logistiques internes et de connecter ses zones périphériques à l’économie mondiale. Pour le Cameroun, c’est l’occasion de capitaliser sur ses atouts portuaires et d’ancrer sa position de leader régional dans les échanges multimodaux.
Mais entre ambitions politiques, contraintes financières et exigences sécuritaires, le projet devra encore franchir plusieurs étapes avant de devenir réalité.