
Sous plusieurs de mes posts, je suis sollicité pour donner mon avis sur le sujet brûlant de l’heure ; la RLE.
J’aurais pu clore le débat avec cette célèbre boutade du Pdt Gbagbo avant l’élection présidentielle de 2010, lorsqu’il était au pouvoir, à savoir « laissez la CEI travailler. Investissez le terrain. Ce n’est pas à la CEI qu’on gagne une élection ».
Point final ! Bien avant cela, qui ne se rappelle de cet autre « dicton » de Gbagbo selon lequel « on gagne toujours une élection avec les lois du parti au pouvoir et non avec les récriminations de l’opposition ».
Comme pour dire ; circulez y a rien à voir ni à dire !Bien que ne militant pas à cette époque au FPI, en tant que son Directeur Départemental de Campagne, j’avais été véritablement choqué par cette réponse lapidaire et emprunte d’une si grande naïveté politique.
Pour autant, j’ai rongé mon frein en me disant que Gbagbo avait certainement, vu son parcours politique et la fonction qu’il occupe, de bonnes raisons d’être si confiant en la CEI, de l’époque, pourtant majoritairement dominée par l’opposition, constituée notamment du PDCI, du RDR et des mouvements rebelles.
Il n’y avait donc pas lieu d’être plus royaliste que le roi. J’ai pris acte des leçons politiques de « l’enfant des élections ».
Vous comprendrez donc un peu mieux pourquoi je suis plus que surpris par le fait que l’opposition d’aujourd’hui fasse de la CEI un acteur central dans la crédibilité de l’organisation d’un scrutin et, partant, exige qu’une RLE ait lieu hic et nunc. Comme les temps changent !
J’ai toujours eu une très grand admiration pour ces politiciens qui, dans un contexte similaire, sont capables de dire une chose aujourd’hui et son exact contraire le lendemain sans même sourciller. Bref, passons car c’est un autre sujet.
L’avant dernière révision de la liste électorale, que la CEI nomme « Révision de la Liste Électorale 2022 – 2023 » a eu lieu du 19 novembre au 10 décembre 2022 et à l’étranger du 24 novembre au 10 décembre 2022 pour la diaspora ivoirienne.
En ce qui concerne les nouveaux électeurs, les données brutes faisaient état de 575 489 nouveaux requérants qui avaient été enregistrés sur la liste électorale provisoire.
La moisson a donc été très maigre.
Cette 5e opération de révision de la liste électorale faisait suite à celles des années 2015, 2016, 2018 et 2020 après l’établissement de la 1ere liste biométrique en 2010.
La dernière RLE (2024 – 2025) a pris fin il y a à peine un peu plus de 2 mois. En effet, cette révision de la liste électorale entamée le 19 octobre 2024 s’est achevée le dimanche 17 novembre 2024.
Le bilan est le suivant : au plan national, pour la Catégorie 1, (personnes figurant sur la liste électorale sollicitant un changement de lieux de vote ou de modifications de données personnelles) : 517 924 requérants ont été enregistrés.
Pour la Catégorie 2 (personnes sollicitant une première inscription) : 943 157 requérants ont été déclarés. Soit un Total : 1 461 081 requérants.
Quels enseignements tirer de toutes ces informations ?
D’un côté, nous avons le parti au pouvoir qui semble se satisfaire des résultats de la dernière RLE et qui, probablement, pour avoir réussi à mobiliser son électorat captif en vue de massivement s’engager dans cette opération, a en ce moment pris d’assaut le terrain pour dérouler sa stratégie électorale.
De l’autre côté, nous avons l’opposition qui rue dans les brancards de la CEI et exige une reprise de la RLE avant les élections présidentielles d’octobre prochain, en raison certainement de ce qu’elle n’a pas, pour des raisons qui lui sont propres et en dépit d’une prorogation d’une semaine supplémentaire du délai, été capable de mobiliser tout son capital électif.
Enfin, en face du pouvoir et de l’opposition, la CEI, qui, selon le calendrier électoral, fait savoir qu’elle ne pourra organiser la RLE 2025 – 2026 qu’après la présidentielle d’octobre prochain, si elle veut pouvoir tenir ses engagements légaux en terme de délais.
Dans ce flou artistique, que dire de plus si ce n’est que l’opposition est face en réalité à une équation à deux inconnues :
– pourquoi n’arrive-t-elle pas à mobiliser son électorat captif dans ses bastions traditionnels et,
– pourquoi la RLE ne suscite pas d’engouement auprès de ses électeurs ?
De fait, l’opposition espérait pendant la dernière RLE, qui a duré un peu plus d’un mois augmenter la liste électorale de 4,5 millions de nouveaux inscrits, sur une liste qui compte un peu plus de 8 millions d’électeurs.
Mais malgré une semaine de prolongation accordée, cet objectif n’a absolument pas été atteint.
La CEI est dite indépendante. Elle n’est pas récusée par l’opposition. Elle a, en dépit de certains griefs qui lui sont faits, organisé des élections locales qui ont permis à l’opposition de battre le parti au pouvoir dans plusieurs grandes communes et régions du pays telles que Cocody, Bongouanou, Port-Bouet ou Yopougon.
Sauf si l’opposition a (réellement) les moyens de faire plier une CEI dite indépendante, dans laquelle elle siège significativement, et, en attendant qu’elle réussisse à atteindre ses objectifs de RLE avant la présidentielle 2025, je lui recommande :
– de travailler à son unité plutôt qu’à se torpiller,
– d’investir massivement le terrain, et autant que possible, en rang serré,
– de proposer aux électeurs et aux populations un programme de gouvernement alléchant et ambitieux,
– de s’intéresser davantage aux problèmes qui assaillent quotidiennement leurs concitoyens en ne laissant pas des organisations de la société civile telles que FIER être quasiment seules sur de créneau,
– de mieux communiquer en développant, outre les traditionnels meetings et interviews, de vraies et innovantes stratégies de communication pour toucher toutes les catégories d’électeurs (femmes, jeunes, entrepreneurs…),
– pour certains, de délaisser un peu la logique infertile des Buzz au produit des causes qui font avancer le pays et l’Afrique,
– de former ses debatteurs au média training.
JEAN BONIN