
Un vaste réseau d’escrocs a été démantelé à Dahra Djolof, où des individus se faisaient passer pour des agents de Sonatel afin d’extorquer de l’argent et des biens de valeur à des victimes vulnérables. Après plusieurs mois d’arnaques répétées, les malfaiteurs ont été arrêtés grâce à une enquête minutieuse menée par la Section de recherches de Saint-Louis.
Un stratagème bien rodé
Ces arnaqueurs utilisaient une technique redoutable, exploitant la peur et la naïveté de leurs victimes. Entre 9h et 16h, ils passaient des appels en se présentant comme des agents de Sonatel, prétextant une facture impayée. Avec un ton menaçant, ils avertissaient leurs interlocuteurs d’une coupure imminente de leur ligne téléphonique si le paiement n’était pas effectué immédiatement.
Leur cible privilégiée ? Des personnes jugées plus vulnérables, comme les femmes de ménage ou les enfants, qui, pris de panique, obéissaient aux instructions des escrocs. Ces derniers ne se contentaient pas d’argent liquide : ils réclamaient aussi des transferts de biens de valeur, allant de bijoux en or à des chaussures de marque, en passant par des perruques et des vêtements de luxe.
Ce mode opératoire a perduré plusieurs mois, malgré les mises en garde répétées de Sonatel contre ce type de fraude. L’entreprise de télécommunications avait en effet multiplié les campagnes de sensibilisation, rappelant à ses abonnés qu’elle ne réclame jamais de paiement par téléphone.
Une enquête qui remonte jusqu’à Dahra Djolof
Face à la recrudescence des plaintes, Sonatel a alerté les autorités compétentes. La Section de recherches de Saint-Louis a alors été saisie de l’affaire et a entrepris une traque méthodique pour identifier les auteurs de l’arnaque.
Après des semaines d’investigation, les enquêteurs ont pu remonter la piste du réseau jusqu’à Dahra Djolof, une localité située dans la région de Louga. Le 12 mars dernier, une opération coup de filet a été menée, aboutissant à l’arrestation des suspects. Lors de cette descente, plusieurs téléphones portables et puces utilisés pour contacter les victimes ont été saisis.
L’exploitation des téléphones confisqués a permis aux enquêteurs de découvrir l’ampleur du réseau et la diversité des méthodes utilisées. Les escrocs employaient différents numéros pour ne pas être identifiés facilement et changeaient régulièrement de stratégie afin de contourner les mises en garde de Sonatel.
Sous mandat de dépôt à Louga
Après leur arrestation, les membres du réseau ont été placés en garde à vue avant d’être déférés ce lundi devant le parquet de Louga. Dès le lendemain, le juge a ordonné leur placement sous mandat de dépôt. Ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs, atteinte à la confidentialité d’un système informatique, escroquerie et usurpation d’identité.
Mais l’affaire est loin d’être close. L’enquête se poursuit, car de nouvelles victimes continuent de se manifester, suggérant que l’ampleur de l’arnaque pourrait dépasser largement les 16 millions de francs CFA déjà recensés.
Des victimes traumatisées
Parmi les victimes recensées, certaines ont perdu plusieurs centaines de milliers de francs CFA, persuadées que leur ligne téléphonique allait être coupée. « Quand j’ai reçu l’appel, la personne parlait avec beaucoup d’assurance. Elle m’a dit que je devais payer immédiatement, sinon je perdrais mon numéro de téléphone. J’ai paniqué et envoyé l’argent sans réfléchir », témoigne une femme de ménage victime de l’escroquerie.
Un autre cas concerne une famille dont l’enfant a été manipulé par les escrocs. « Mon fils de 12 ans a reçu un appel alors que nous étions au travail. Ils lui ont dit que nous avions une dette et qu’il devait envoyer des objets de valeur pour régulariser la situation. Il a rassemblé mes bijoux et les a remis à un complice venu récupérer le colis », raconte un père de famille encore sous le choc.
Un phénomène qui prend de l’ampleur
Les arnaques téléphoniques se multiplient au Sénégal, avec des fraudeurs utilisant des techniques de plus en plus sophistiquées. Outre l’usurpation d’identité d’agents de Sonatel, d’autres escrocs se font passer pour des fonctionnaires de la SENELEC ou des agents de banques, prétextant des problèmes de compte bancaire pour extorquer de l’argent à leurs victimes.
Les autorités appellent donc à la vigilance et recommandent de ne jamais effectuer de paiements par téléphone sans vérification préalable. « Sonatel ne demande jamais de règlement par téléphone. Si vous recevez un appel suspect, raccrochez immédiatement et signalez-le aux autorités », rappelle un responsable de l’entreprise de télécommunications.
Une répression renforcée
Face à la montée de ces pratiques frauduleuses, les forces de l’ordre ont renforcé leur lutte contre la cybercriminalité et les arnaques en ligne. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour informer les citoyens sur les risques et les moyens de se protéger contre ce type de fraude.
Dans le cas du réseau de Dahra Djolof, les enquêteurs poursuivent leurs investigations pour identifier d’éventuels complices et retracer les fonds détournés. « Nous sommes en train d’examiner les flux financiers pour voir où l’argent a été transféré. Certains fonds pourraient avoir été envoyés à l’étranger via des plateformes de transfert d’argent », indique une source proche de l’enquête.
Des leçons à tirer
Cette affaire met en lumière l’importance de l’éducation numérique et de la prudence face aux sollicitations téléphoniques suspectes. Elle rappelle aussi la nécessité pour les autorités de renforcer les contrôles et la traque des cybercriminels qui exploitent la naïveté des citoyens pour s’enrichir illégalement.
Si l’arrestation des escrocs de Dahra Djolof est une victoire pour les forces de l’ordre, elle n’est qu’une bataille dans une guerre plus vaste contre la fraude numérique. En attendant, les victimes espèrent que justice sera rendue et que les coupables paieront pour leurs actes.
Imam chroniqueur Babacar DIOP