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Eiffage Rail Dakar dans l’Œil du Cyclone : Espionnage et Licenciement illégal d’un Cadre, une Affaire qui Fait Grand Bruit

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Eiffage Rail Dakar dans l’Œil du Cyclone : Espionnage et Licenciement illégal d’un Cadre, une Affaire qui Fait Grand Bruit

La société Eiffage Rail Dakar (Erd), filiale de la multinationale française Eiffage, se retrouve sous le feu des projecteurs au Sénégal après une affaire révélatrice d’une pratique illégale et inquiétante. Le cas d’Ahmadou Bamba Thiam, ancien directeur de la sécurité ferroviaire, soulève de sérieuses interrogations sur les droits des travailleurs et le respect des données personnelles dans le pays. Le 2017, Ahmadou Bamba Thiam, cadre expérimenté, signe un contrat à durée indéterminée (CDI) avec Eiffage Sénégal, dans le but de superviser la sécurité du réseau ferroviaire. Tout semblait aller pour le mieux jusqu’à ce qu’un différend professionnel éclate entre lui et Thomas Raoult, directeur d’Erd.

À la suite de ce conflit, Ahmadou Bamba Thiam a été licencié de manière brutale par Erd, sans préavis, ni explication claire. La surprise et l’incompréhension ont été d’autant plus grandes lorsque ce dernier a découvert que sa voiture de fonction avait été équipée d’un dispositif GPS permettant de suivre en temps réel ses déplacements. Bien que ces informations personnelles aient été recueillies, Ahmadou Bamba Thiam n’a jamais été informé de l’existence de cette surveillance intrusive, ce qui constitue une violation manifeste de ses droits privés.

Cette découverte n’a pas manqué de choquer et a poussé Ahmadou Bamba Thiam à porter plainte. La Direction de la Sécurité Civile (DSC), en charge de l’enquête, a saisi la Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) pour faire toute la lumière sur cette affaire. Après examen, la CDP a confirmé que la société Eiffage Rail Dakar n’avait jamais obtenu d’autorisation préalable pour l’installation de balises GPS sur les véhicules de fonction, ni pour l’exploitation des données personnelles collectées par ces dispositifs. En d’autres termes, la société a violé la loi sénégalaise sur la protection des données personnelles, portant un coup dur aux principes de confidentialité et à la protection de la vie privée.

Cependant, l’affaire Ahmadou Bamba Thiam n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de pratiques similaires observées dans d’autres entreprises opérant dans le secteur ferroviaire au Sénégal. Avant cette affaire, la Seter, société responsable du TER (Train Express Régional), avait également été épinglée pour avoir espionné son ancien responsable comptable, Lamine Camara. Là encore, une demande d’explications avait été adressée à Lamine Camara sur la base de données GPS extraites de son véhicule de fonction. En dépit des graves accusations, l’affaire est restée sans suite notable après l’intervention de la CDP qui a rappelé la Seter à l’ordre, soulignant les violations de la législation en matière de protection des données.

Ces événements soulèvent des questions cruciales sur la manière dont les grandes entreprises, notamment celles à capitaux étrangers, gèrent les données personnelles de leurs employés au Sénégal. Pourquoi ces sociétés semblent-elles se croire au-dessus des lois sénégalaises, imposant des pratiques de surveillance numérique systématique sans aucune autorisation légale ?

Le phénomène n’est pas nouveau dans des sociétés multinationales opérant en Afrique, mais il semble prendre de l’ampleur dans le secteur privé sénégalais, notamment dans des domaines stratégiques comme les transports et les infrastructures. Ces pratiques de flicage numérique sont d’autant plus préoccupantes qu’elles se produisent dans un contexte où les droits des travailleurs sont déjà fragiles. De plus, l’ampleur de la surveillance peut avoir un impact délétère sur la motivation et la confiance des employés, créant une atmosphère de méfiance et de contrôle excessif au sein des entreprises.

Dans ce contexte, la question de la responsabilité des autorités sénégalaises se pose. Alors que la CDP a clairement mis en évidence les abus, pourquoi les autorités ne semblent-elles pas agir de manière plus ferme ? L’inaction des pouvoirs publics face à ces violations expose une carence dans l’application des lois, notamment celles concernant la protection des données personnelles. Une véritable réforme de la législation sur la protection des données personnelles semble désormais indispensable pour garantir que des abus de ce type ne se reproduisent pas à l’avenir.

De plus, il est essentiel que l’État sénégalais mette en place des mécanismes de contrôle plus rigoureux afin de protéger les employés des dérives des entreprises étrangères. Des mesures concrètes doivent être prises pour éviter que les droits des travailleurs ne soient systématiquement bafoués par des pratiques illégales de surveillance. L’un des premiers défis consiste à renforcer la formation des acteurs en charge de la protection des données personnelles, afin qu’ils puissent détecter et sanctionner plus efficacement les violations de la loi.

Il est également primordial que les entreprises opérant au Sénégal, en particulier celles à fort capital étranger, respectent la législation locale et les principes de bonne gouvernance. Elles doivent comprendre que la sécurité des données personnelles et le respect des droits fondamentaux des travailleurs ne sont pas négociables et qu’elles doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux règles en vigueur dans le pays.

En attendant, la situation d’Ahmadou Bamba Thiam reste préoccupante. Ce dernier attend toujours une réponse juridique satisfaisante à ses plaintes, et espère que son affaire servira d’exemple pour mettre fin à ces pratiques abusives. Le cas de Lamine Camara, de la Seter, et celui d’autres employés victimes de surveillance illégale démontrent qu’il est grand temps que des réformes soient mises en place pour protéger les travailleurs et garantir le respect de leurs droits.

Les autorités sénégalaises doivent se montrer à la hauteur de ces enjeux et agir rapidement pour éviter que de tels abus ne deviennent la norme dans le monde professionnel. Il est impératif que la justice soit rendue dans ces affaires, et qu’un précédent soit établi pour assurer que des pratiques telles que l’espionnage illégal et l’exploitation des données personnelles n’aient plus leur place dans le secteur privé au Sénégal.

La transparence, la responsabilité et le respect des droits humains doivent être les principes fondamentaux guidant les actions des entreprises et des autorités sénégalaises. C’est sur ce terrain qu’une véritable réforme doit se jouer, afin d’assurer un avenir professionnel plus respectueux et plus juste pour tous les travailleurs du Sénégal.

Imam chroniqueur Babacar DIOP

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