
Depuis le coup d’État de septembre 2021, la Guinée se trouve dans une phase de transition politique où les promesses de changement semblent se dissiper au fur et à mesure. Initialement, le général Mamadi Doumbouya, leader de la junte militaire, avait assuré qu’il respecterait le calendrier de la transition, s’engageant à ne pas dépasser les vingt-quatre mois prévus. Cependant, à l’approche de la fin de l’année 2024, le général semble se défaire de ses engagements, plongeant ainsi le pays dans une incertitude totale quant à l’avenir politique.
Les Guinéens, déconcertés par la prolongation de la transition, voient dans ce retard une répétition du schéma classique des régimes autoritaires. Le général Doumbouya, qui avait annoncé qu’il quitterait le pouvoir si la transition excédait les deux ans, semble désormais mettre en œuvre une stratégie pour maintenir son emprise sur le pays au-delà de 2024. Un flou persistant autour de la durée de la transition ne fait qu’alimenter les spéculations sur ses véritables intentions. La junte invoque la nécessité de « refonder l’État » et de mener des réformes structurelles pour justifier ce prolongement, mais ces arguments, souvent flous et non concrétisés, ne convainquent pas une grande partie de la population.
Les forces vives de Guinée, regroupées au sein de diverses associations et plateformes, ont dénoncé cette dérive autoritaire. La plateforme des Forces vives a d’ores et déjà annoncé qu’elle cesserait de reconnaître les autorités en place après le 31 décembre 2024, une décision qui pourrait exacerber la tension politique dans le pays. Moussa Ndiaye, responsable de l’association Rencontre guinéenne pour des élections réussies dans la paix (REGUIREP), s’inquiète des conséquences de cette transition qui semble s’éterniser, dénonçant une « dérive autoritaire » qui fragilise davantage la démocratie et l’État de droit en Guinée.
Si le régime en place a entrepris plusieurs chantiers d’envergure, sa gestion opaque des finances publiques et son recours à des partenariats économiques non transparents soulèvent des doutes sur ses réelles priorités. Ces projets, présentés comme des promesses de modernisation, risquent de ne servir qu’à renforcer le pouvoir militaire plutôt qu’à répondre aux attentes profondes de la population guinéenne.
À mesure que la transition avance, les violences politiques et les répressions systématiques se multiplient. En réponse à la montée de la contestation, les autorités ont intensifié les violences policières contre les manifestants, exacerbant un climat de peur et d’intimidation. Les Guinéens qui continuent de réclamer un retour à l’État de droit, à des élections libres et transparentes, semblent confrontés à une machine répressive implacable.
Au-delà de la répression, la question qui se pose désormais est celle de la réponse de la population. Pourra-t-elle continuer à résister et revendiquer la fin de l’autoritarisme ? Ou bien la junte parviendra-t-elle à briser les aspirations démocratiques et à s’installer durablement au pouvoir ? Il est encore difficile de prédire l’issue de cette transition qui s’apparente à un éternel recommencement, comme si la Guinée était condamnée à vivre des cycles sans fin de coups d’État et de répression.
Le pays se trouve aujourd’hui à un carrefour. L’avenir politique de la Guinée dépendra de la capacité des Guinéens à se mobiliser pour un changement réel, à faire entendre leur voix et à lutter pour une gouvernance fondée sur la justice, les libertés et la démocratie. Mais la route semble semée d’embûches, et la transition pourrait bien prendre un tournant dangereux, à moins que la société civile et les forces vives ne parviennent à inverser la tendance et à restaurer un véritable État de droit.
Iman chroniqueur Babacar DIOP