La Fête de la Tabaski : Entre Soumission, Sacrifice et Éveil Spirituel

La fête de la Tabaski, ou ʿĪd al-Aḍḥā, est bien plus qu’un rituel de sacrifice. Elle incarne un acte de soumission absolue à Dieu, une expérience de foi vivante et une source d’enseignements philosophiques profonds. En commémorant le sacrifice d’Ibrāhīm (Abraham), cette fête universelle dans le monde musulman devient un miroir où se reflètent les valeurs essentielles de l’Islam : l’obéissance, la patience, la sincérité et l’amour de Dieu au-dessus de tout.
- Un acte de foi absolue : la leçon d’Ibrāhīm
Dieu dit dans le Coran :
« Quand son Seigneur lui dit : ‘Soumets-toi !’ il dit : ‘Je me soumets au Seigneur de l’univers’ »
(Sourate al-Baqara, 2:131)
Le sacrifice n’est pas simplement un acte rituel : c’est un symbole de la capacité humaine à renoncer à ce qu’il a de plus cher, dans une démonstration de confiance absolue en Dieu. Le philosophe et théologien Ibn al-Qayyim commente ainsi :
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« L’amour véritable de Dieu exige que le serviteur Lui préfère tout ce qu’il aime, même son propre enfant. »
(Ibn al-Qayyim, Madārij al-Sālikīn, vol. 2, p. 214)
- Le sens du sacrifice : au-delà de la bête égorgée
Le Coran rappelle clairement :
« Ni leur chair ni leur sang n’atteignent Allah, mais ce qui L’atteint de votre part, c’est la piété. »
(Sourate al-Ḥajj, 22:37)
Cela signifie que le véritable sacrifice est intérieur : le détachement des passions, de l’ego et de l’amour du monde. Le savant Ibn Taymiyya explique :
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« Le cœur de l’homme est comme un sanctuaire. S’il est rempli de l’amour du monde, il n’y a plus de place pour Dieu. »
(Majmūʿ al-Fatāwā, vol. 10, p. 190)
- L’épreuve du sacrifice : une école de vertu
Le sacrifice d’Abraham est une allégorie philosophique de l’éthique de la soumission. Selon Ibn al-Jawzī :
« Dieu éprouve Ses serviteurs par des pertes apparentes pour leur donner des gains éternels. »
(Ṣayd al-Khāṭir, p. 121)
Le musulman, en immolant un mouton, se rappelle que chaque bienfait est éphémère et que l’attachement excessif à ce monde peut devenir un voile entre lui et Dieu.
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- Les enseignements des marabouts sénégalais : spiritualité enracinée
Le cheikh El Hadj Malick Sy disait :
« La Tabaski est un rappel : celui qui refuse de sacrifier pour Dieu sacrifie pour le bas-monde sans récompense. »
(Cité dans Khilaṣat az-Zahab, p. 47)
Le cheikh Ahmad Tidiane Cherif enseignait que :
« Le mouton que tu sacrifies doit être le voile de ton âme. Si tu ne changes pas intérieurement, ce n’est qu’un abattage. »
(Recueil de sermons – Tivaouane, 1928)
Ces paroles démontrent que la spiritualité africaine musulmane insiste sur le lien entre l’acte et la conscience, entre le rituel et l’élévation intérieure.
- Voix contemporaines : repenser la Tabaski
Le penseur sénégalais Cheikh Anta Diop, bien que historien, soulignait l’importance de recontextualiser les pratiques religieuses pour qu’elles ne deviennent pas des carcans vides. Quant à Tariq Ramadan, il affirme :
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« Le sacrifice du mouton ne prend sens que s’il est accompagné du sacrifice de l’arrogance, de la convoitise et de l’oubli de Dieu. »
(Tariq Ramadan, Les fondements de l’éthique islamique, p. 134)
Conclusion : Sacrifier pour s’élever
La Tabaski est une école de spiritualité et de philosophie pratique. Elle nous enseigne que le véritable sacrifice est celui de notre confort spirituel, de nos attachements mal placés, et de notre orgueil. En suivant l’exemple d’Abraham, nous apprenons à faire confiance à Dieu même dans l’incompréhensible.
Puissions-nous célébrer cette fête non seulement avec nos bêtes, mais avec nos cœurs.
-imam chroniqueur Babacar Diop













