L’Afrique doit parler d’une seule voix pour résoudre ses crises, selon Mohamed El-Amine Souef

Pour Mohamed El-Amine Souef, chef de cabinet du président de la Commission de l’Union africaine (UA), l’heure est venue pour le continent de s’assumer pleinement comme acteur central de sa propre stabilité. De passage à Dakar, l’ancien représentant de l’Union africaine en Somalie et diplomate chevronné, passé par les missions de maintien de la paix au Mali et au Soudan, plaide pour une Afrique audacieuse, unie et souveraine dans la gestion de ses crises.
« Les Africains ont fait leurs preuves »
« Les Africains ont largement démontré leur capacité à résoudre leurs propres problèmes », affirme d’emblée M. Souef. Il cite en exemple son pays natal, les Comores, longtemps marqué par l’instabilité politique : « Grâce à l’intervention et à la médiation de l’Union africaine, la stabilité a été rétablie. Cela fait vingt ans que nous ne parlons plus de crises aux Comores. »
Même constat en Somalie, où il a dirigé la mission de l’Union africaine pendant trois ans : « Depuis 2007, les forces africaines ont permis à un État effondré de retrouver un gouvernement fonctionnel. »
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Pour le diplomate, ces réussites prouvent que « la solidarité africaine n’est pas un slogan, mais une réalité tangible ». Toutefois, il déplore la multiplication des médiations souvent contradictoires : « Il faut une coordination plus forte entre les différents acteurs. Trop souvent, chaque intervenant agit selon sa propre logique. »
Des solutions africaines pour les crises africaines
Mohamed El-Amine Souef revendique avec fermeté la primauté de l’action africaine sur le continent : « Nous avons prouvé notre efficacité au Darfour, au Mali et en Somalie. Ces expériences démontrent que les Africains sont capables de concevoir et de diriger leurs propres opérations de maintien de la paix. »
Il appelle ainsi à renforcer le concept de « solutions africaines aux problèmes africains », devenu un leitmotiv à Addis-Abeba.
Selon lui, l’Union africaine doit consolider son autonomie stratégique : « Nos partenaires étrangers ont leurs propres intérêts. Nous, Africains, devons adopter une approche holistique : la paix, le développement et la sécurité sont indissociables. »
Transformer les crises en opportunités
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Pour M. Souef, les périodes de turbulences peuvent aussi devenir des moments d’apprentissage et de redéfinition stratégique. « La Somalie ou la RDC, malgré leurs difficultés, recèlent d’immenses opportunités. Les crises révèlent nos richesses et nos faiblesses à la fois. L’enjeu, aujourd’hui, est de défendre nos intérêts économiques et de valoriser nos ressources. »
Il prend l’exemple du Mali, où « les autorités exigent désormais que ceux qui exploitent les ressources nationales négocient directement avec l’État ». C’est, selon lui, un pas vers une souveraineté économique africaine.
Repenser la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale
Alors que les Nations unies s’apprêtent à réformer leur fonctionnement, Mohamed El-Amine Souef insiste : « L’Afrique ne peut plus être un simple spectateur du nouvel ordre mondial. »
Il plaide pour que le continent obtienne des sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, assortis d’un droit de veto, afin de peser dans les décisions globales.
« L’Afrique représente un milliard et demi d’habitants et un potentiel économique considérable. Nous devons transformer nos atouts en leviers d’influence mondiale », martèle-t-il, avant de conclure :
« L’Afrique sait désormais ce qu’elle veut. Elle doit parler d’une seule voix et agir avec courage pour bâtir un avenir qui lui ressemble. »
Imam chroniqueur
Babacar Diop













