
La recherche clinique, pilier du progrès médical, peine encore à s’imposer sur le continent africain. Malgré une population représentant environ 17,5 % de l’humanité et une charge de morbidité équivalente à 4,5 % du total mondial, l’Afrique ne participe qu’à hauteur de 2,5 % aux essais cliniques internationaux. Ce déséquilibre criant soulève des questions majeures sur l’équité en matière de santé globale et sur les opportunités manquées pour les systèmes de santé africains.
C’est dans ce contexte que s’est tenue récemment à Dakar, au Sénégal, la 6e édition du Sommet des investigateurs cliniques d’Afrique (Tcis), une rencontre d’envergure réunissant des chercheurs, des régulateurs, des industriels et des décideurs. Organisé pour la première fois dans un pays francophone, cet événement marque un tournant dans la volonté de repositionner le continent comme un acteur incontournable de l’innovation thérapeutique.
L’un des moments forts du sommet a été l’intervention du professeur Serigne Omar Sarr, représentant de l’Agence sénégalaise de Réglementation pharmaceutique. Il a souligné que « moins de 2,5 % des essais cliniques mondiaux sont réalisés en Afrique, alors que le continent supporte une charge disproportionnée de maladies. » Pour lui, il est impératif d’accroître la participation africaine à ces études, non seulement pour garantir l’efficacité et l’innocuité des traitements utilisés localement, mais aussi pour promouvoir une médecine plus juste et adaptée aux spécificités régionales.
Le professeur Sarr a également mis en lumière les récents progrès du Sénégal sur le plan réglementaire. Le pays est désormais classé au niveau 3 de maturité selon les standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), devenant ainsi le premier pays francophone à atteindre ce jalon. Cette reconnaissance internationale renforce la crédibilité du Sénégal et sa capacité à attirer des essais cliniques de qualité, menés selon des normes éthiques rigoureuses.
Ce progrès est d’autant plus crucial que la recherche clinique constitue un levier stratégique pour améliorer les soins de santé, stimuler l’innovation locale et renforcer l’autonomie sanitaire des pays africains. Le sommet de Dakar a ainsi permis d’esquisser une nouvelle vision pour l’Afrique, où la conception et la réalisation des essais ne seraient plus déléguées à d’autres régions du monde, mais portées par des chercheurs africains, dans des institutions africaines, au bénéfice direct des populations locales.
Alors que les enjeux de santé publique deviennent de plus en plus globaux, il devient essentiel que le continent africain prenne une place proportionnée dans l’écosystème de la recherche biomédicale. Une Afrique actrice de sa propre santé, telle est l’ambition portée par les participants au sommet de Dakar.
Imam chroniqueur Babacar Diop