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L’Avortement Médicalisé : Perspectives Islamiques, Juridiques et Éthiques

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L’Avortement Médicalisé : Perspectives Islamiques, Juridiques et Éthiques

L’avortement médicalisé est un sujet complexe en Islam, nécessitant une analyse approfondie tenant compte des principes religieux, des considérations médicales et des cadres juridiques. La question soulève des enjeux liés à la sacralité de la vie, la dignité humaine et les réalités spécifiques des situations rencontrées par les familles.

Position de l’Islam : La Sacralité de la Vie

Dans la tradition islamique, la vie humaine est sacrée, et sa protection est un principe fondamental. Le Coran souligne cette sacralité en affirmant :

“Et ne tuez pas la vie qu’Allah a rendue sacrée, sauf en droit.”
(Sourate Al-Isra, 17:33)

De plus, la préservation de la vie est décrite comme un bien universel :

“Quiconque tue une âme, non en raison d’une autre âme ou d’une corruption sur terre, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité.”
(Sourate Al-Ma’ida, 5:32)

L’insufflation de l’âme, selon un hadith rapporté par Al-Bukhari et Muslim, se produit à 120 jours de grossesse. Le Prophète Muhammad (paix et bénédictions soient sur lui) a expliqué :

“Chacun de vous est constitué dans le ventre de sa mère pendant quarante jours en tant qu’une goutte, puis il devient une substance adhérente pendant une période similaire, puis un morceau de chair pendant une période similaire. Ensuite, un ange est envoyé et y insuffle l’âme.”
(Sahih al-Bukhari, 3208 ; Sahih Muslim, 2643)

Sur cette base, l’avortement est généralement interdit après l’insufflation de l’âme, sauf en cas de nécessité absolue, comme un danger de mort pour la mère. Avant ce délai, certaines écoles juridiques tolèrent l’interruption de grossesse, mais uniquement pour des raisons légitimes et justifiées.

Exceptions Permises : Les Cas de Nécessité

L’Islam reconnaît des cas exceptionnels où l’avortement peut être autorisé, en application du principe de “daroura” (nécessité absolue). Les savants et les textes classiques identifient ces situations comme suit :

  1. Danger pour la vie de la mère :
    Si la grossesse représente une menace sérieuse pour la vie de la mère, l’avortement est permis. Ibn Taymiyyah affirme :

“Lorsqu’un choix doit être fait entre deux maux, il est obligatoire de choisir le moindre afin de préserver un bien supérieur.”
(Majmou’ al-Fatawa, 20/57)

  1. Malformations graves du fœtus :
    Si des médecins spécialisés concluent que le fœtus est atteint de malformations incompatibles avec la vie, l’interruption peut être autorisée avant l’insufflation de l’âme. Ibn Uthaymin a déclaré :

“Si l’embryon est gravement défectueux et que sa vie après la naissance serait insupportable, l’avortement peut être envisagé dans les premiers stades.”
(Fatawa al-Mar’ah al-Muslimah, 2/975)

  1. Grossesse issue d’un viol :
    Certains savants contemporains permettent l’avortement pour les grossesses résultant de violences sexuelles, notamment avant le délai des 120 jours. Cependant, cela reste une opinion minoritaire, basée sur la règle de raf’ al-haraj (levée de la gêne excessive).

Le principe directeur reste la préservation de la vie, comme l’enseigne Al-Qurtubi :

“L’éthique islamique exige de sauvegarder la vie humaine dans toutes ses formes, mais des exceptions sont tolérées lorsque cela devient inévitable pour protéger un intérêt supérieur.”
(Tafsir Al-Qurtubi, 5/230)

Les Avis des Grands Savants Islamiques

Les savants classiques et contemporains ont abondamment écrit sur l’avortement, en soulignant les principes suivants :

Ibn al-Qayyim (m. 1350) :

“Les décisions médicales doivent être conformes à la Shari’a, en préservant la vie de ceux qui sont les plus vulnérables, tout en respectant les priorités éthiques.”
(At-Tibb an-Nabawi, p. 227)

Ibn Hajar al-Asqalani (m. 1449), dans Fath al-Bari :

“L’avortement après l’insufflation de l’âme est une atteinte à la vie humaine et constitue un crime majeur, sauf en cas de force majeure.”

Al-Shawkani (m. 1834) :

“Dans toutes les décisions juridiques, la finalité suprême est de préserver la vie, l’honneur et la dignité, tout en évitant tout préjudice inutile.”
(Nayl al-Awtar, 8/71)

Les Guides Spirituels Sénégalais : Une Approche Éclairée

Les érudits sénégalais, tels que Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Malick Sy, ont enrichi la réflexion sur ces questions complexes.

Cheikh Ahmadou Bamba a écrit dans Masalik al-Jinan :

“Toute décision impliquant la vie doit être éclairée par la sagesse, la consultation et une pleine confiance en Allah.”

El Hadji Malick Sy, dans ses écrits, affirme :

“Lorsque des doutes surgissent, il est impératif de consulter des savants compétents et de respecter les recommandations des médecins expérimentés.”

Cheikh Ibrahim Niasse a également rappelé dans Ruh al-Adab :

“L’Islam est une religion de miséricorde, et chaque décision doit refléter cette miséricorde, tout en respectant les principes de justice.”

La Loi Sénégalaise et l’Avortement

Le Code pénal sénégalais, dans son article 305, interdit l’avortement sauf pour sauver la vie de la mère. Cependant, des débats récents appellent à une révision des lois pour inclure des cas spécifiques, comme les grossesses résultant de viols ou les malformations graves du fœtus.

Synthèse et Recommandations

  1. Respect des délais : Toute décision doit respecter le seuil des 120 jours, après lequel l’avortement est strictement interdit, sauf en cas de danger vital.
  2. Consultation obligatoire : L’avis de savants religieux et de médecins qualifiés est indispensable.
  3. Approche individualisée : Chaque situation doit être évaluée au cas par cas, en tenant compte des réalités médicales, sociales et religieuses.
  4. Miséricorde et justice : Toute décision doit refléter les valeurs fondamentales de l’Islam, basées sur la compassion et l’équité.

En conclusion, l’Islam privilégie une approche équilibrée et réfléchie face à la question de l’avortement médicalisé. Bien que strictement encadré, il reste permis dans des cas exceptionnels, avec un profond respect pour la sacralité de la vie et une attention aux spécificités de chaque situation. Cette sagesse intemporelle, tirée du Coran, des hadiths et des savants musulmans, offre un guide précieux pour naviguer dans ce sujet délicat.

Iman chroniqueur

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