
Yaoundé, 2 mars 2025 – Le Cameroun, dans son processus de modernisation de ses structures religieuses, s’inspire de l’expérience sénégalaise pour réorganiser et structurer davantage la Daoula, l’autorité religieuse islamique. Cette démarche vise à améliorer la gestion des affaires religieuses tout en renforçant la paix sociale à travers une collaboration plus étroite entre les institutions publiques et les autorités religieuses.
Le modèle sénégalais : une référence en matière d’organisation religieuse
Le Sénégal est largement reconnu pour la gestion harmonieuse de ses structures religieuses et leur collaboration avec l’État. À travers les grandes confréries soufies comme la Tijaniyya, la Mouridiyya, et la Qadiriyya, le pays a réussi à construire un cadre de régulation religieuse stable qui joue un rôle de médiation dans la société et dans la politique. Ce modèle, basé sur un dialogue constant entre les autorités religieuses et l’État, représente un exemple précieux pour le Cameroun, dont la société est également marquée par une forte diversité religieuse.
Dans le cadre de ce partenariat, une délégation camerounaise, composée de dignitaires religieux et de responsables administratifs, a récemment effectué une mission à Dakar pour comprendre et analyser les pratiques sénégalaises en matière de régulation des affaires religieuses. Ces échanges ont porté principalement sur la formation des imams, l’organisation des cérémonies religieuses et la régulation des activités des confréries.
Pour le Dr. Oumar Tall, spécialiste en sciences islamiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, “l’expérience sénégalaise est le fruit d’une longue tradition de gestion équilibrée des affaires religieuses, où l’État n’impose pas de cadre strict mais favorise un dialogue constructif avec les autorités religieuses. Cela permet une meilleure gestion des communautés religieuses et une intégration de l’islam dans la vie nationale.”
La collaboration Cameroun-Sénégal : un échange d’expertise bénéfique
Ce partenariat ambitionne de renforcer les structures religieuses au Cameroun, en s’inspirant de l’expérience sénégalaise pour formaliser davantage la gestion de la Daoula tout en préservant son caractère local et traditionnel. Un des objectifs principaux est la mise en place d’un organe national de régulation des affaires religieuses, semblable au Comité de concertation sur les affaires religieuses du Sénégal, qui superviserait les activités des imams et des confréries.
Cheikh Ahmed Tidiane Mbaye, membre du Comité sénégalais de régulation des affaires religieuses, a précisé lors de sa rencontre avec les autorités camerounaises : “Nous sommes heureux de partager notre expérience avec le Cameroun. La régulation des affaires religieuses est un processus délicat, mais nous croyons qu’un modèle collaboratif peut apporter des résultats positifs en matière de paix et de stabilité sociale.”
En outre, les échanges ont également porté sur la gestion des événements religieux de grande envergure, tels que le Gamou (Mawlid) et le Hajj. Au Sénégal, l’organisation de ces événements est un modèle de logistique et de coordination, garantissant une bonne gestion de la sécurité, des transports et des ressources. Les autorités camerounaises espèrent mettre en place des mécanismes similaires pour faciliter les grands rassemblements religieux au Cameroun, particulièrement dans les régions où l’islam est très pratiqué.
Les objectifs à long terme : vers une meilleure structuration de la Daoula
Les objectifs de cette initiative sont multiples. En plus de la création de cet organe de régulation, le Cameroun envisage de moderniser la formation des imams et des leaders religieux en y intégrant des programmes qui abordent des thèmes tels que la citoyenneté, la gestion des conflits et la prévention de l’extrémisme religieux. Le ministre camerounais de l’Administration territoriale, Jean-Claude Akana, a déclaré : “Nous voulons former des imams non seulement compétents religieusement mais aussi capables de jouer un rôle actif dans la promotion de la paix et de la cohésion sociale. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques d’autres pays musulmans, comme le Sénégal, tout en adaptant les méthodes aux réalités de notre pays.”
Les autorités envisagent également de renforcer les capacités logistiques pour la gestion des événements religieux locaux et internationaux. Le Hajj, par exemple, est un événement d’une grande importance pour la communauté musulmane du Cameroun, et le pays souhaite mettre en place des infrastructures modernes pour faciliter l’organisation des pèlerinages et des déplacements des fidèles.
Les défis d’adaptation au contexte camerounais
Bien que le modèle sénégalais soit prometteur, il existe des défis particuliers à prendre en compte pour une adaptation réussie au contexte camerounais. Le Cameroun est marqué par une grande diversité religieuse et ethnique, et une gestion uniforme des affaires religieuses pourrait ne pas être efficace dans certaines régions. Le Dr. Ismaël Fodjo, anthropologue et spécialiste de l’islam au Cameroun, souligne : “Le défi principal réside dans la diversité des pratiques religieuses à travers le pays. Les traditions locales doivent être respectées, et les structures religieuses doivent rester sensibles aux spécificités de chaque région.”
Ainsi, bien que l’inspiration du modèle sénégalais soit bénéfique, une approche plus décentralisée, tenant compte des particularités culturelles et sociales de chaque région, pourrait offrir une meilleure solution pour intégrer l’islam dans la société camerounaise tout en garantissant son indépendance et son unité.
Conclusion : Une voie prometteuse pour l’avenir
En fin de compte, le partenariat entre le Cameroun et le Sénégal dans le domaine de la régulation religieuse représente une avancée significative pour l’organisation de la Daoula au Cameroun. Ce projet montre qu’une collaboration étroite entre les autorités religieuses et publiques peut contribuer à une gestion plus pacifique et plus inclusive de la religion dans la société. Les autorités camerounaises, tout en s’inspirant de l’expérience sénégalaise, veilleront à adapter les solutions proposées aux besoins spécifiques du pays, dans le respect des valeurs religieuses et culturelles de ses populations.
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Par imam chroniqueur Babacar DIOP