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L’importance d’ancrer nos langues nationales dans l’éducation : Pour un avenir linguistique et culturel durable

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L'importance d'ancrer nos langues nationales dans l'éducation : Pour un avenir linguistique et culturel durable

L’exécutif s’est rendu à l’Assemblée le 21 février, en cette journée internationale de la langue maternelle. Cependant, il est regrettable que l’éducation, et plus particulièrement l’intégration de nos langues nationales dans le système scolaire, n’ait pas été abordée de manière significative. Depuis plusieurs années, le Sénégal a pris des initiatives pour inclure les langues nationales dans les enseignements-apprentissages à l’école primaire. Cependant, malgré ces efforts, je pense sincèrement que nous nous engageons dans une voie qui, au fond, n’est pas la plus judicieuse.

Ma conviction est que l’introduction des langues nationales devrait se faire au niveau du Moyen-Secondaire plutôt qu’à l’école élémentaire. Et je suis convaincu que cette réflexion mérite d’être prise au sérieux par le Ministère de l’Éducation. Ce n’est pas par hasard que la philosophie éducative dans de nombreux pays a mis en évidence l’importance de maîtriser d’abord une langue de culture avant de s’ouvrir aux autres. Comme le disait le grand philosophe et pédagogue John Dewey, « L’éducation n’est pas préparation à la vie, l’éducation est la vie elle-même. » Dans ce sens, une éducation linguistique profonde et ancrée dans les réalités locales devient essentielle pour préparer les générations futures à s’épanouir dans un monde plurilingue et multiculturel.

Le système actuel, dans lequel l’alphabet phonétique international (API) est introduit dès la sixième, représente un point de départ idéal pour initier les élèves à la diversité linguistique. C’est à partir de ce moment qu’une véritable exploration des langues commence, et il semble pertinent d’étendre l’utilisation de l’API pour permettre aux élèves de mieux maîtriser la phonétique et les structures des langues locales. Le lien entre l’API et la diversité linguistique peut servir de base solide pour l’apprentissage de nos langues, tout en facilitant leur utilisation dans des contextes éducatifs et culturels. Comme l’a souligné le linguiste et anthropologue Claude Lévi-Strauss : « Les langues sont les structures de la pensée, elles nous dévoilent la manière dont chaque peuple perçoit et comprend son monde. » Ainsi, enseigner nos langues nationales à travers une approche méthodique et scientifique n’est pas seulement un enjeu linguistique, mais aussi un enjeu cognitif et culturel.

L’enseignement de la langue nationale est aussi un pont essentiel vers la pleine épanouissement de l’élève en tant qu’individu. Paulo Freire, philosophe et pédagogue brésilien, a dit que « L’éducation ne change pas le monde. L’éducation change les gens qui vont changer le monde. » Les langues maternelles, loin d’être de simples outils de communication, sont des vecteurs d’une pensée plus libre, ancrée dans une histoire et des valeurs partagées. En promouvant l’usage de nos langues dans l’éducation, nous offrons à chaque individu un chemin vers une conscience critique de son monde et de ses origines.

De plus, il est important de souligner que la majorité des enseignants issus de la faculté des lettres ont déjà été formés dans une langue nationale. Ils possèdent donc les compétences nécessaires pour enseigner et propager cette langue, à condition de leur offrir une mise à niveau et un accompagnement adaptés. Une telle démarche serait bien plus accessible et moins coûteuse que de recourir à des solutions externes, comme les financements étrangers, qui n’offrent pas toujours une solution pérenne. Ce pragmatisme, associé à un véritable ancrage dans nos réalités culturelles et éducatives, constitue une piste à explorer avec sérieux. Le pédagogue sénégalais Cheikh Anta Diop, dans son œuvre Nations nègres et culture, a montré comment l’éducation doit se baser sur les racines culturelles et linguistiques pour permettre à un peuple de se libérer des influences étrangères et d’atteindre son plein potentiel. Il disait d’ailleurs : « L’éducation doit permettre de revaloriser nos cultures et de leur restituer toute leur dignité, dans le respect de la modernité. »

En outre, offrir aux élèves la possibilité de choisir une langue nationale en fonction de leurs affinités culturelles et géographiques, à partir du collège ou du lycée, semble être une avancée logique et bénéfique. La liberté de choix, loin d’être un luxe, est un facteur déterminant de l’engagement des élèves dans l’apprentissage. Ce n’est qu’à travers une telle liberté que les élèves pourront véritablement s’approprier leur langue et leur culture, créant ainsi un lien plus profond avec leurs racines. Comme l’écrivait le philosophe sénégalais Cheikh Anta Diop : « Toute langue est la clé qui ouvre la porte de la pensée et de la culture d’un peuple. » En permettant à nos jeunes d’apprendre et de vivre leur langue maternelle à l’adolescence, nous leur donnons l’opportunité de se connecter à un héritage immatériel qui fait partie intégrante de leur identité. Ce principe d’ancrage culturel rejoint l’idée de l’éducateur français Albert Jacquard, qui disait : « L’éducation, c’est permettre à l’enfant de découvrir la richesse de sa propre culture, pour mieux comprendre celles des autres. »

L’introduction progressive de nos langues dans le cursus scolaire pourrait également encourager les élèves à participer activement à des clubs culturels où l’on pourrait leur proposer des activités autour de la poésie, des chansons ou même du théâtre en langues locales. Ces pratiques contribueraient à renforcer leur sentiment d’appartenance et à favoriser une véritable transmission des valeurs culturelles. Les marabouts sénégalais, en tant que gardiens de notre patrimoine spirituel et culturel, soulignent régulièrement que la culture ne se limite pas à une simple transmission de savoir, mais à un véritable processus d’éveil intérieur. Le Cheikh Ahmadou Bamba, dans ses écrits, nous rappelle : « L’éducation est un phare, mais il faut l’adapter à l’essence de chaque peuple, à ses traditions, à sa langue. » Ces mots résonnent comme une invitation à penser une éducation qui fait sens, à la fois moderne et enracinée dans nos traditions.

Pour citer encore Paulo Freire, « L’éducation ne change pas le monde. L’éducation change les gens qui vont changer le monde. » L’éducation doit donc être un processus vivant, qui passe par l’éveil à une culture, à une langue, et à une vision du monde qui nous est propre. Il est primordial d’encourager cette relation organique entre les jeunes et leur langue, car c’est elle qui constitue le fondement de leur identité personnelle et collective. Dans ce cadre, l’éducateur sénégalais El Hadj Ibrahima Niasse nous enseigne que « La langue est une clef de l’âme ; elle permet de pénétrer dans les profondeurs de l’être et de saisir sa vision du monde. »

Enfin, le retrait de l’USAID, une initiative étrangère qui soutenait certains projets éducatifs dans notre pays, devrait inciter à reconsidérer nos priorités. Il est grand temps que nous investissions dans des solutions locales, durables et économiquement viables pour préserver et promouvoir nos langues. La richesse linguistique est un bien commun, et c’est à nous de la valoriser et de la transmettre.

Comme l’écrivait l’écrivain et philosophe sénégalais Amadou Hampâté Bâ : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » La langue, comme le savoir, est une mémoire vivante. L’enseignement de nos langues nationales dans nos écoles ne doit pas seulement être perçu comme une formalité, mais comme un acte essentiel pour sauvegarder notre patrimoine culturel et nourrir l’avenir. Si nous ne cultivons pas cette richesse, nous risquons de perdre une partie de notre identité et de notre dignité en tant que peuple.

C’est donc à travers l’éducation, porteuse de nos valeurs les plus profondes, que nous pourrons préserver et valoriser nos langues, nos cultures et notre avenir commun. Pour paraphraser le philosophe grec Platon, « Celui qui ne connaît pas sa propre langue, ne connaît rien du monde. » Il est donc impératif de retrouver ce lien indéfectible entre la langue, la culture et l’éducation, afin que nos jeunes générations puissent s’épanouir tout en restant connectées à leurs racines.

Imam chroniqueur

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