Mariage, argent et sextorsion : quand l’amour adolescent vire au drame judiciaire à Pikine

Partager cet article
Mariage, argent et sextorsion : quand l’amour adolescent vire au drame judiciaire à Pikine

Le tribunal de Pikine-Guédiawaye a récemment tranché une affaire mêlant amour, trahison, vol familial et sextorsion. Une jeune fille, encore mineure au moment des faits, a dérobé un million de francs CFA à son père pour le remettre à son petit-ami en vue de leur mariage. Ce rêve d’union s’est transformé en cauchemar judiciaire.

Le prévenu, Serigne Fallou T., 22 ans, chauffeur domicilié à Keur Massar et déjà connu de la justice pour recel, a reconnu avoir reçu l’argent. Selon ses dires, sa compagne, A.C. Tall, lui avait volontairement remis la somme pour financer leur mariage. Mais après la rupture, la jeune fille a exigé la restitution des fonds. C’est alors que le ton est monté : le jeune homme aurait menacé de publier leurs vidéos intimes.

À lire aussi : Croix-Rouge du Sénégal : Les travailleurs mobilisés pour réclamer transparence et renouvellement des instances

D’après les éléments du dossier, une des vidéos aurait été filmée à l’insu de la victime, tandis que l’autre provenait d’un échange consenti via WhatsApp. « C’est elle-même qui me les a envoyées », s’est défendu le prévenu à la barre.
Sa mère, témoin à charge mais lucide, a reconnu la complexité du drame : « Ma fille a été manipulée par ce garçon. Elle volait et fuguait pour lui, mais elle doit aussi assumer sa part de responsabilité. »

Le débat s’est également cristallisé sur l’âge exact de la jeune fille. Malgré un jugement civil prouvant ses 18 ans, la défense a rappelé qu’elle avait déclaré 19 ans lors de son audition. Le tribunal, considérant les circonstances et la vulnérabilité de la victime, a retenu l’infraction de détournement de mineure, estimant qu’elle était toujours sous la protection de la loi.

Le procureur, écartant les charges de sextorsion et de diffusion d’images obscènes, a requis un an de prison ferme pour détournement de mineure. De son côté, la défense a plaidé la relaxe, arguant que les vidéos avaient été envoyées volontairement et que la jeune fille avait elle-même commis un vol familial.

Au terme des délibérations, le tribunal a relaxé Serigne Fallou T. pour les délits de collecte de données personnelles et de diffusion d’images contraires aux mœurs, mais l’a reconnu coupable de détournement de mineure et condamné à six mois de prison ferme.

Analyse : la vulnérabilité des jeunes face aux dérives numériques et affectives

Au-delà du verdict, cette affaire soulève de profondes questions sociales et morales : l’éducation affective des jeunes, la gestion parentale de la confiance, et surtout, la banalisation des images intimes dans les relations adolescentes.

À lire aussi : Togo : Azé Kokovivina célèbre 40 ans de carrière et rend hommage à ses mentors

Le sociologue sénégalais Pr Abdoulaye Diouf rappelle que « les jeunes vivent aujourd’hui leurs émotions dans un espace numérique sans garde-fou, où le désir d’aimer se heurte à l’absence de repères moraux et à la fragilité psychologique » (Diouf, Sociologie de la jeunesse sénégalaise, L’Harmattan, 2019, p. 74).

De son côté, la psychologue Aïssatou Thiam souligne que « la sextorsion n’est pas seulement une question de technologie, mais de domination affective : elle révèle le déséquilibre entre confiance et pouvoir dans le couple adolescent » (Violence psychologique et relations amoureuses, Presses de Dakar, 2021, p. 112).

Conclusion

Ce procès n’est pas qu’un fait divers. Il met en lumière la nécessité d’une éducation sentimentale et numérique adaptée à l’époque. Entre naïveté amoureuse et irresponsabilité morale, les jeunes se retrouvent souvent pris dans des pièges qu’ils ne maîtrisent pas. Les familles, l’école et les autorités ont la responsabilité d’en faire un enjeu national, car derrière ces drames intimes se cache un malaise générationnel plus profond.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

Partager cet article

Recherche en direct

Catégories

Autres publications

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Activer les notifications Accepter Non, merci