Quand vos oreilles bourdonnent : ce que ce signal révèle vraiment sur votre corps et votre esprit

Il vous arrive parfois d’entendre un léger bourdonnement, un sifflement ou un grésillement dans l’une ou les deux oreilles, sans qu’aucune source sonore ne soit présente ? Ce phénomène, appelé acouphène, concerne près de 15 % de la population mondiale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, rapport 2023 sur la santé auditive).
Souvent bénin mais parfois révélateur d’un trouble sous-jacent, ce symptôme mérite attention et écoute, au sens propre comme au figuré.
Une réalité médicale méconnue
Sur le plan médical, les acouphènes sont le plus souvent liés à une altération des cellules ciliées de l’oreille interne, conséquence d’une exposition excessive au bruit, d’un traumatisme sonore ou d’une fatigue auditive.
Le Dr Jean-Luc Puel, directeur de recherche à l’INSERM et spécialiste de la neurophysiologie auditive, explique :
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« L’acouphène n’est pas une hallucination auditive, mais une activité nerveuse anormale du cortex auditif qui se met à produire un son en l’absence de stimulation extérieure. »
(Jean-Luc Puel, “Le cerveau et l’oreille : comprendre les acouphènes”, Odile Jacob, 2019, p. 42).
Cette hyperactivité neuronale, selon lui, traduit un déséquilibre dans la communication entre l’oreille et le cerveau. Dans certains cas, les acouphènes accompagnent des pathologies comme l’hypertension artérielle, les troubles circulatoires, ou encore l’accumulation de cérumen dans le conduit auditif.
Les spécialistes conseillent donc de consulter un ORL dès les premiers signes persistants, surtout si le bourdonnement s’accompagne de vertiges ou de perte d’audition.
Quand le stress et l’anxiété font du bruit
Au-delà de la dimension physique, les psychologues s’accordent à dire que les acouphènes peuvent être amplifiés par l’état émotionnel.
La psychiatre américaine Judith Orloff observe que :
« Le corps exprime souvent par le bruit ce que l’esprit refuse d’entendre. Les acouphènes peuvent être la manifestation sonore d’un trop-plein émotionnel. »
(Judith Orloff, “The Empath’s Survival Guide”, Harmony Books, 2017, p. 128).
Le stress chronique, l’anxiété, la fatigue mentale et le manque de sommeil sont des facteurs aggravants bien documentés.
Une étude publiée dans le Journal of Psychosomatic Research (vol. 145, 2021) montre qu’une corrélation nette existe entre acouphènes chroniques et troubles anxiodépressifs : 68 % des patients souffrant d’acouphènes présentent des signes de stress post-traumatique léger ou modéré.
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Des croyances culturelles encore vivaces
En Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal, les bourdonnements d’oreilles s’entourent aussi de symbolisme populaire.
Une oreille droite qui bourdonne ? On parlerait bien de vous.
Une oreille gauche ? Quelqu’un médirait à votre sujet.
Si ces croyances persistent dans l’imaginaire collectif, elles traduisent surtout le rapport spirituel entre le corps et la parole.
Le théologien et auteur Cheikh Ahmadou Mbacké Diop rappelle :
« Dans la culture soufie, le corps parle parfois en métaphores. Quand l’oreille vibre sans raison apparente, c’est peut-être une invitation à prêter attention à ce que nous entendons ou à ce que nous disons. »
(Diop, A. M., “Spiritualité et symbolique du corps dans l’islam sénégalais”, Éditions Jamra, 2020, p. 119).
De son côté, Ibn al-Qayyim, érudit musulman du XIVᵉ siècle, écrivait :
« Les signes du corps ne sont pas toujours à craindre ; ils peuvent être des rappels discrets d’Allah pour revenir à la quiétude et à la gratitude. »
(Ibn al-Qayyim, “Zâd al-Ma‘âd”, vol. 4, p. 225).
Un signal à écouter avec sagesse
Les experts s’accordent : si un bourdonnement dans l’oreille dure plus de 48 heures, devient plus intense, ou s’accompagne d’autres symptômes, il faut impérativement consulter.
Mais dans le même temps, il convient aussi de réduire le stress, d’améliorer son hygiène de sommeil, et de limiter l’exposition au bruit.
L’ORL français Pr Bernard Fraysse, ancien chef du service d’audiologie du CHU de Toulouse, résume :
« L’oreille est un organe d’équilibre au sens large. Quand elle fait du bruit, c’est souvent qu’elle réclame le silence du reste du corps. »
(Entretien dans “Sciences et Avenir”, n°904, avril 2022).
En résumé
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Les bourdonnements d’oreilles ne sont pas à négliger.
Ils peuvent signaler :
un trouble auditif ou circulatoire,
une fatigue nerveuse ou psychique,
ou encore une tension spirituelle ou émotionnelle.
Entre science et symbolisme, le message reste le même : il faut apprendre à écouter le silence pour mieux comprendre ce que le corps murmure.
Imam chroniqueur
Babacar Diop













