Raila Odinga, le patriarche de l’opposition kényane, s’en est allé ; la démocratie perd un pilier

Figure emblématique de la politique au Kenya, Raila Amolo Odinga est mort ce mercredi 15 octobre à l’âge de 80 ans, alors qu’il séjournait en Inde. Son parcours, marqué par la résistance, la prison et le combat pour le multipartisme, a profondément façonné la trajectoire démocratique du pays. Le président William Ruto a salué « un géant de la démocratie », décrétant sept jours de deuil national.
Le Kenya se réveille orphelin d’une voix qui, depuis plus de quatre décennies, portait l’exigence de justice et d’équité. Raila Odinga, fils du premier vice-président Jaramogi Oginga Odinga, fut bien plus qu’un opposant : il incarnait la mémoire vivante des luttes démocratiques de l’Afrique de l’Est.
Né le 7 janvier 1945, formé en Allemagne de l’Est, il avait hérité de son père le goût du verbe et la ténacité face au pouvoir.
Dans les années 1980, alors que le régime de Daniel arap Moi régnait sans partage, Raila Odinga choisit le camp risqué de la dissidence. Accusé d’avoir participé au coup d’État manqué de 1982, il passa plusieurs années en détention. À sa libération, il devint l’un des artisans du retour au multipartisme, ouvrant la voie à une vie politique plus libre au Kenya.
Candidat malheureux à la présidence à cinq reprises en 1997, 2007, 2013, 2017 et 2022 Raila Odinga a traversé les tempêtes électorales avec la conviction que la démocratie kényane se construisait aussi dans la contestation.
Son heure de gloire survint en 2008, au sortir de la violente crise postélectorale : il accepta de devenir Premier ministre dans un gouvernement de coalition. Ce compromis, sous tension, permit d’éviter le chaos et d’ouvrir le chantier constitutionnel qui mènera, en 2010, à l’une des constitutions les plus progressistes du continent.
Ces dernières années, la politique kényane s’était apaisée sous un signe inattendu : la réconciliation entre Raila Odinga et son rival historique, William Ruto. Leur entente, fragile mais réelle, traduisait une volonté d’unité nationale au-delà des clivages ethniques et partisans.
C’est d’ailleurs Ruto, devenu président, qui a pris la parole pour honorer la mémoire de son ancien adversaire :
« Raila Odinga a consacré sa vie à la justice et à la liberté. Nous lui devons beaucoup. »
En hommage à ce parcours, le chef de l’État a décrété sept jours de deuil national et annoncé des funérailles d’État.
Au-delà du Kenya, la disparition de Raila Odinga résonne comme un coup de tonnerre dans toute l’Afrique. Ce patriarche du pluralisme politique représentait une génération de leaders qui croyaient à la réforme par la parole, la négociation et le courage civil.
Son combat faisait écho à celui de figures comme Nelson Mandela ou John Garang : l’idée que la liberté ne s’impose pas par les armes, mais par la persévérance du dialogue.
Sa mort laisse un vide politique, mais surtout moral, dans un pays encore marqué par les fractures communautaires et les inégalités. La jeunesse kényane, souvent désabusée par les élites, perd en lui un repère, un exemple de résilience et d’engagement public.
Raila Odinga n’a pas seulement fait la politique : il a incarné la possibilité de la faire autrement.
De la prison à la primature, des urnes contestées aux réformes constitutionnelles, il a su mêler le souffle de l’histoire et l’acharnement du bâtisseur.
Son héritage se lit désormais dans les institutions qu’il a contribué à fonder, dans la liberté d’expression qu’il a défendue, et dans l’idée que l’opposition, loin d’être un contre-pouvoir, est une force de refondation.
Celine Dou
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