« Saturation de la brûlure » : Quand la poésie devient le cri incandescent d’une génération

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« Saturation de la brûlure » : Quand la poésie devient le cri incandescent d’une génération

Dans un monde où le désenchantement se fait chair et la douleur s’écrit, deux jeunes poètes camerounais, Stélane Daniel Mbala Ela et Stéphane Eric Ntolo Zo’obo, se dressent comme des veilleurs lucides avec leur recueil Saturation de la brûlure. Cette œuvre, à la fois lyrique et incendiaire, s’inscrit dans une démarche résolument engagée, portée par un souffle novateur qu’ils nomment « androiditisme » — un courant littéraire qu’ils fondent et qui prend racine dans la fusion de l’humain et de la machine, entre l’automate et la conscience blessée.

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Le concept, à la fois philosophique et esthétique, naît d’une réflexion sur la condition postmoderne : un monde saturé d’images, d’algorithmes et de simulacres. Mbala Ela, l’un des initiateurs du mouvement, y voit « la nécessité de poétiser la déshumanisation elle-même, pour que l’humain retrouve sa voix dans le vacarme des circuits ». Ainsi, les poèmes deviennent autant de décharges émotionnelles que de manifestes politiques.

Au fil des trente poèmes qui composent le recueil, la « brûlure » apparaît comme une métaphore universelle : celle de la douleur collective, de la désillusion et du cri des consciences. Les auteurs scandent : « La démocratie brûle, les libertés brûlent, et nos rêves aussi fondent dans la chaleur des désillusions. » Le feu y symbolise à la fois la destruction et la purification, la colère et la renaissance.

Les textes sont traversés par des anaphores puissantes et des dialogues poétiques qui interpellent sans détour les puissants : politiciens, hommes d’Église, intellectuels et citoyens complices par leur silence. L’écriture, incisive et rythmée, se veut une « parole de résistance ». Le lecteur est sommé d’entendre, de se lever, d’agir.

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Comme l’écrit le philosophe camerounais Achille Mbembe, « la parole poétique, dans les contextes africains contemporains, est une manière de ressaisir la mémoire du feu et de parler à nouveau au monde après la cendre » (Politiques de l’inimitié, La Découverte, 2016, p. 112). C’est exactement ce que font Mbala Ela et Ntolo Zo’obo : réanimer la flamme dans un espace saturé d’indifférence.

Pour le sociologue sénégalais Souleymane Bachir Diagne, « la poésie africaine moderne est souvent la conscience critique de la nation — celle qui ose dire ce que la prose politique tait » (L’encre des savants, Présence Africaine, 2013, p. 87). Cette perspective éclaire la démarche des deux auteurs, dont la plume n’est pas un simple instrument esthétique, mais un outil de combat moral et spirituel.

Réflexion du chroniqueur Imam Babacar Diop :

« Saturation de la brûlure est un miroir que la jeunesse africaine tend à ses dirigeants et à elle-même. J’y vois un appel à la responsabilité morale et spirituelle. Lorsque les poètes parlent de “brûlure”, je pense à cette parole du Prophète (PSL) : “Dans le corps, il y a un morceau de chair qui, s’il est sain, rend tout le corps sain : c’est le cœur.” (Sahîh al-Bukhârî, hadîth n°52). Or nos sociétés souffrent parce que leurs cœurs — les consciences — sont en feu. »

« La saturation, telle que ces poètes la conçoivent, pourrait devenir une catharsis. Quand l’injustice devient insupportable, la brûlure devient lumière. Car, comme le disait Ibn al-Qayyim dans Madarij as-Salikin (t.2, p. 345) : “La douleur du cœur est une miséricorde si elle conduit au réveil de l’âme.” »

« En lisant Mbala Ela et Ntolo Zo’obo, j’ai senti cette brûlure salutaire, celle qui pousse à purifier la société par la vérité, à saturer le mal par le bien. C’est là, selon moi, la dimension spirituelle de leur œuvre : transformer la colère en énergie créatrice, la souffrance en engagement. »

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En conclusion, Saturation de la brûlure n’est pas un simple recueil de poèmes : c’est une convocation à la lucidité. Un texte où la jeunesse africaine, lasse des dérives et des hypocrisies, choisit de brûler non pour détruire, mais pour illuminer. Une poésie en fusion, à l’image de l’Afrique en quête de renaissance.

imam chroniqueur
Babacar Diop

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