
La malnutrition demeure un fléau silencieux au Sénégal, frappant des centaines de milliers de jeunes enfants à un âge où se joue leur avenir physique, cognitif et social. Lors d’un atelier de partage organisé autour des engagements nationaux dans le cadre de l’initiative internationale Nutrition for Growth (N4G), un chiffre alarmant a été révélé : plus de 500 000 enfants sénégalais âgés de 0 à 5 ans souffrent d’un retard de croissance causé par la malnutrition.
Ce constat inquiétant a été partagé par Aminata Diop Ndoye, secrétaire exécutive du Conseil national de développement de la nutrition (CNDN), soulignant l’ampleur du défi à relever dans les années à venir. L’objectif de cet atelier était de faire le point sur les engagements pris par le Sénégal au sommet N4G de Paris, en les alignant sur les priorités nationales, et de renforcer l’engagement politique et institutionnel en faveur de la nutrition d’ici 2030.
Des engagements pour une nutrition inclusive et équitable
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Face à cette urgence sanitaire, le Sénégal a pris des engagements ambitieux. Il s’agit notamment de garantir un accès équitable aux services de nutrition pour tous les enfants de moins de cinq ans, mais aussi pour les adolescentes et les femmes enceintes. Le Plan stratégique multisectoriel de la nutrition constitue aujourd’hui la colonne vertébrale de cette démarche.
Parmi les priorités figurent :
L’extension de l’offre de services nutritionnels dans les établissements scolaires et les centres de formation professionnelle ;
L’amélioration de l’alimentation scolaire, considérée comme un levier de performance académique ;
L’introduction de programmes de nutrition dans les milieux d’apprentissage et de travail ;
Une attention particulière aux adolescentes, qui représentent un maillon essentiel de la santé reproductive et de la lutte contre la malnutrition intergénérationnelle.
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Le financement, pierre angulaire de la lutte
Mais au-delà des bonnes intentions, les autorités sont unanimes : sans financement conséquent, les engagements resteront lettre morte. « Sans financement, on ne pourra pas réaliser les stratégies de développement de la nutrition », a prévenu Mme Diop Ndoye.
Un appel relayé par la députée Khady Sarr, présidente de la Commission Santé, Affaires sociales, Population et Solidarité nationale, qui a salué les efforts du CNDN tout en appelant à un plaidoyer renforcé : « La nutrition est un intrant de la santé. On ne peut pas parler de santé publique sans parler de nutrition. »
Le manque de ressources constitue en effet l’un des principaux freins à la mise en œuvre effective des politiques de nutrition, notamment dans les zones rurales ou défavorisées, où les besoins sont les plus criants.
Une problématique multidimensionnelle
Les experts s’accordent à dire que la malnutrition n’est pas seulement un enjeu de santé : c’est une question de développement, d’équité et de justice sociale. « Chaque enfant privé de nutrition adéquate est un citoyen dont le potentiel est bridé dès le départ », déplore le Dr Mamadou Sarr, nutritionniste à l’hôpital régional de Ziguinchor.
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La malnutrition chronique est en effet responsable de déficits irréversibles dans le développement cognitif, affaiblissant les capacités d’apprentissage, la productivité future et la résilience face aux maladies. Ce cycle de pauvreté nutritionnelle peut affecter plusieurs générations si des actions structurantes ne sont pas entreprises dès maintenant.
Une urgence morale et spirituelle
Au-delà des chiffres, cette crise interroge aussi la conscience collective. Comme le rappelait le philosophe africain Kwame Nkrumah : « La condition de l’enfant est le miroir de la société. » Dans le Coran, la responsabilité collective envers les plus vulnérables est également soulignée :
« Et ils donnent à manger, malgré leur amour pour cela, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier » (Sourate Al-Insân, v.8).
Pour le marabout sénégalais Serigne Abdoul Aziz Sy Al-Amine, « Nourrir un enfant, c’est préserver une âme et bâtir une nation. »
Autant de rappels qui résonnent face à un enjeu aussi fondamental que la nutrition infantile.
Vers une mobilisation multisectorielle
Pour inverser durablement la tendance, les acteurs de la nutrition plaident pour une approche transversale, impliquant non seulement le secteur de la santé, mais aussi ceux de l’éducation, de l’agriculture, des finances, et de la gouvernance territoriale.
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L’atelier N4G s’est achevé sur une volonté partagée de renforcer la collaboration entre l’État, les collectivités locales, la société civile et les partenaires techniques et financiers. Car si l’objectif « zéro malnutrition » d’ici 2030 reste ambitieux, il est désormais perçu comme un impératif moral, économique et politique.
À retenir
500 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de retard de croissance lié à la malnutrition au Sénégal.
Le pays a pris des engagements au niveau international pour éradiquer ce fléau d’ici 2030.
L’alimentation scolaire, la nutrition des adolescentes et l’accès équitable aux services sont au cœur de ces engagements.
Le manque de financement reste un obstacle majeur à la mise en œuvre des stratégies.
Imam chroniqueur Babacar Diop