La liaison maritime entre Dakar et l’île de Gorée, autrefois perçue comme un trait d’union fluide entre patrimoine et modernité, traverse aujourd’hui une zone de turbulences inquiétantes. Ce service public essentiel, destiné à assurer la connexion entre la capitale sénégalaise et ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est désormais entaché de défaillances techniques, de désorganisation administrative et d’un manque criant de transparence.
Une traversée devenue risquée
Les rotations maritimes qui relient Dakar à Gorée sont de plus en plus redoutées par les usagers. Jadis symbole de fiabilité, la Liaison Maritime Dakar-Gorée (LMDG) est aujourd’hui synonyme de retards, de pannes mécaniques fréquentes et de conditions de sécurité jugées insuffisantes. Pour de nombreux habitants de l’île comme pour les visiteurs, chaque traversée est perçue comme une prise de risque.
Les pannes à répétition et l’irrégularité des rotations affectent fortement la vie quotidienne des Goréens. Les élèves, les commerçants, les malades, les touristes… tous pâtissent de ce dysfonctionnement qui isole de plus en plus cette île emblématique. L’absence de communication officielle sur les annulations ou les modifications de trajets ajoute à la confusion et à la frustration.
L’impact économique et social
Le déclin de ce service maritime a un effet domino sur l’économie locale. Gorée, haut lieu de mémoire et destination touristique majeure, voit son affluence diminuer. Cette baisse de fréquentation affecte gravement les artisans, restaurateurs, guides et hôteliers, dont l’activité dépend largement de la venue régulière de visiteurs. L’économie insulaire, déjà fragile, vacille sous le poids de cette désorganisation.
Gouvernance opaque et marginalisation locale
Un autre aspect préoccupant réside dans la gestion même de la LMDG. La commune de Gorée déplore son exclusion des décisions stratégiques relatives au fonctionnement du service. Les autorités locales ne sont ni consultées ni impliquées, malgré leur connaissance fine des besoins des populations insulaires.
Par ailleurs, l’intégration de la liaison au sein du Port autonome de Dakar, déjà saturé par d’autres activités commerciales, nuit gravement à l’efficacité du service vers Gorée. La cohabitation avec les flux logistiques du port crée des retards, des congestions et une expérience de voyage détériorée.
Un appel à la réforme
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour réclamer une refonte complète du système. Parmi les propositions avancées figurent : l’audit urgent des infrastructures navales, le renforcement des mesures de sécurité à bord et sur les quais, l’instauration d’une meilleure information des usagers, et surtout une gouvernance plus inclusive qui associe les représentants de la commune de Gorée.
Il devient impératif de restaurer la qualité et la fiabilité de cette traversée, non seulement pour des raisons économiques et sociales, mais aussi pour préserver un lien symbolique et vital entre Dakar et Gorée. Redonner confiance aux usagers passe par une volonté politique forte, une gestion transparente, et un engagement concret envers la sécurité et la dignité des voyageurs.
imam chroniqueur Babacar Diop
