« Revendiquer nos droits, protéger notre peau, préserver nos vies »

Ce 13 juin 2025, la planète célèbre la Journée mondiale de sensibilisation à l’albinisme, une occasion solennelle de mettre en lumière la condition souvent méconnue voire niée des personnes atteintes d’albinisme. Le thème retenu cette année, « Revendiquer nos droits, protéger notre peau, préserver nos vies », dit tout : il ne s’agit pas d’un simple appel à la tolérance, mais d’une exigence politique, sociale et éthique. Car l’albinisme n’est pas seulement une singularité biologique c’est une ligne de front où se croisent ignorance, discrimination, exclusion et, dans les cas extrêmes, persécutions.
L’albinisme est une anomalie génétique rare liée à une production insuffisante ou inexistante de mélanine. Ses conséquences médicales sont bien connues : une peau hypersensible aux rayons UV, des troubles visuels sévères, et un risque accru de cancers cutanés, en particulier dans les régions ensoleillées.
Mais ces réalités biologiques s’accompagnent d’un fardeau social d’une rare violence. Dans de nombreux pays, notamment en Afrique subsaharienne, les personnes atteintes d’albinisme sont victimes d’exclusion, de stigmatisation, et même de violences rituelles. Ailleurs, ce sont l’indifférence institutionnelle, l’oubli médiatique ou la pauvreté structurelle qui rendent invisibles leurs besoins spécifiques.
C’est sur le continent africain que l’ampleur du drame est la plus manifeste. En Tanzanie, au Malawi, au Mozambique ou encore en République démocratique du Congo, des dizaines de personnes albinos ont été tuées ou mutilées ces dernières années, leurs organes servant à des rituels censés attirer richesse et pouvoir. Ces actes, motivés par des croyances obscurantistes, prospèrent sur fond de misère, d’ignorance et de défaillance judiciaire.
Mais face à cela, la société civile s’organise : ONG, avocats, activistes, familles brisent le silence, exigent des enquêtes, réclament des protections, et participent à l’éducation des communautés. Le combat pour les droits des personnes albinos est devenu un marqueur du respect de l’État de droit dans plusieurs pays.
Le thème de cette Journée mondiale structure les trois grands axes d’une réponse cohérente :
~ Revendiquer nos droits : accès à l’éducation, à l’emploi, à l’identité légale, à la représentation politique. Les personnes albinos doivent être reconnues comme des citoyennes et citoyens à part entière, dotés de droits concrets, non de compassion abstraite.
~ Protéger notre peau : garantir l’accès aux crèmes solaires médicales, aux vêtements de protection, à un suivi dermatologique et ophtalmologique. Dans de nombreuses régions d’Afrique, cela relève encore du luxe. Pourtant, il en va de la santé publique et de l’égalité d’accès aux soins.
~ Préserver nos vies : cela signifie prévenir les assassinats, punir les auteurs de violences, mais aussi combattre la violence symbolique : le harcèlement scolaire, les humiliations quotidiennes, le rejet silencieux.
En Europe, en Amérique ou en Asie, les personnes atteintes d’albinisme ne subissent généralement pas de violences extrêmes, mais restent victimes d’un effacement social. En France, elles sont entre 2 000 et 3 000. Les associations pointent le manque d’adaptations dans le système scolaire, le défaut de sensibilisation dans les entreprises, et l’absence d’un cadre de protection clairement identifié.
L’albinisme est une réalité transnationale, qui exige des réponses politiques, éducatives et sanitaires concertées. Cette Journée mondiale doit aussi servir de levier pour harmoniser les pratiques, partager les bonnes initiatives, et renforcer les cadres juridiques.
Ce 13 juin ne saurait être un rituel annuel sans lendemain. Il doit être le catalyseur d’un engagement permanent. L’albinisme révèle ce que nos sociétés font des différences : les protègent-elles, les ignorent-elles, ou les condamnent-elles ? La réponse ne dépend pas d’une déclaration de principe, mais d’actions concrètes, mesurables, continues.
Revendiquer, protéger, préserver : c’est moins un slogan qu’un programme politique. Et c’est à cela que cette journée mondiale nous invite : à transformer l’indifférence en responsabilité, la fragilité en dignité, et la visibilité en droits réels.