Une passion née dans les rues de Sikècodji
Née à Cotonou, Adicatou Adam découvre très tôt sa passion pour le football. À seulement six ans, elle foule les terrains improvisés de son quartier, Bar-Tito Sikècodji, défiant les conventions en jouant avec les garçons. À l’école primaire publique de Sèhogan, elle touche son premier ballon, imposant rapidement son talent et son intelligence de jeu.Son ascension débute à 13 ans lorsqu’un observateur, séduit par ses qualités techniques, l’oriente vers le club Flèche Noire. Malgré les réticences familiales liées à sa culture yoruba, elle persiste et gravit les échelons du football féminin béninois. De Flèche Noire à Espoir de Cotonou, en passant par Arc-en-Ciel, elle s’impose partout comme capitaine, devenant une attaquante redoutable et meilleure buteuse du championnat.Sa brillante carrière la propulse en équipe nationale en 2004, où elle endosse le brassard de capitaine. Mais en 2006, un coup du sort vient briser son rêve : une grave blessure au genou met un terme à sa carrière de joueuse.
De la pelouse au banc de touche : une reconversion forcée, mais réussie
Refusant de se laisser abattre, Adicatou Adam trouve une nouvelle vocation dans l’encadrement technique. Soutenue par Bruno Didavi, elle se forme au Togo et obtient son premier diplôme d’entraîneure délivré par la CAF. De retour au Bénin, elle devient entraîneure adjointe d’Espoir de Cotonou avant de prendre les commandes de l’équipe, la menant à plusieurs victoires.Toutefois, sa carrière connaît un coup d’arrêt sous la pression familiale. Son mari s’oppose à son engagement dans le football, la contraignant à une pause forcée. Mère de deux enfants, elle revient sur le devant de la scène en 2019, bien décidée à reprendre son ascension. Consciente que son diplôme initial est insuffisant pour atteindre l’élite, elle suit une session de recyclage en 2022 pour valider sa Licence C et vise un objectif plus ambitieux : la Licence B.C’est au prix d’un travail acharné, entre formations théoriques à Porto-Novo et pratiques au Centre d’Excellence de Missérété, qu’elle décroche son précieux sésame le 22 décembre 2024. Elle devient ainsi la première femme béninoise à obtenir la Licence B CAF.
Une ambition qui ne connaît pas de limites
Actuellement entraîneure du club 2AB en deuxième division féminine et sélectionneure adjointe des U20 féminines du Bénin, Adicatou Adam ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Son objectif est clair : obtenir la Licence A, qui lui permettrait d’encadrer une sélection nationale.« Si je m’arrête à la Licence B, cela signifie que je manque d’ambition. J’aime relever des défis, mais c’est Dieu qui décide. Si l’opportunité se présente, pourquoi ne pas aller plus loin ? » confie-t-elle.Mais au-delà de ses ambitions personnelles, elle milite activement pour une meilleure structuration du football féminin béninois. Elle dénonce les irrégularités qui minent le championnat, notamment le manque de vision des dirigeants et l’absence d’une réelle politique d’intégration des joueuses locales en équipe nationale.« Le changement doit commencer par les instances dirigeantes. Il faut mettre fin à l’improvisation et soutenir les véritables centres de formation afin de bâtir un football féminin solide et compétitif », plaide-t-elle.
Un modèle pour la nouvelle génération
Adicatou Adam est aujourd’hui une figure emblématique du football féminin béninois. Son parcours illustre l’importance de la persévérance et du travail acharné.« Nous, les femmes, avons de la valeur. Nous ne devons pas quémander notre place, mais prouver notre compétence par notre travail », martèle-t-elle.Désormais tournée vers la formation des jeunes joueuses, elle veut inspirer la nouvelle génération et encourager les femmes à embrasser des carrières d’entraîneures.« Mon souhait est de promouvoir le football féminin et d’être un modèle pour celles qui nous observent de loin. Il est temps que d’autres femmes suivent le même chemin et obtiennent des diplômes pour devenir entraîneures », conclut-elle avec détermination.À travers son engagement, Adicatou Adam ne se contente pas de briser les barrières. Elle pave la voie pour une nouvelle ère du football féminin béninois.
Firmin DANNON, journaliste sportif
