Allemagne : le retour des Syriens relance le débat sur la responsabilité de la reconstruction nationale

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Allemagne : le retour des Syriens relance le débat sur la responsabilité de la reconstruction nationale

Un débat houleux agite actuellement la scène politique allemande : faut-il rapatrier les réfugiés syriens ou attendre que la Syrie soit réellement prête à les accueillir ? Au cœur de la controverse, une question fondamentale : « Qui doit reconstruire un pays, si ce n’est ses propres citoyens ? »

Tout est parti d’une visite du ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, à Harasta, une banlieue de Damas ravagée par plus d’une décennie de guerre civile (2011-2024). Constatant l’étendue des destructions, le ministre a jugé que « le retour des Syriens n’était possible qu’à une très faible mesure pour le moment », estimant que les infrastructures du pays restaient trop endommagées pour garantir un rapatriement digne et sécurisé.

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Ces propos ont provoqué un tollé au sein même de son parti, la Union chrétienne-démocrate (CDU). Plusieurs de ses collègues ont fustigé cette prudence, estimant qu’elle équivalait à une forme de laxisme migratoire. Gunter Krings, vice-président du groupe parlementaire CDU/CSU, a ainsi déclaré :

« Qui doit reconstruire un pays détruit, si ce n’est ses propres citoyens ? »

Pour lui, les Syriens doivent désormais contribuer à la renaissance de leur nation, même au prix d’un retour difficile.

Des divisions profondes dans la droite allemande

La Union chrétienne-sociale (CSU), parti frère bavarois de la CDU, a renforcé cette ligne dure. Son chef parlementaire, Alexander Hoffmann, a affirmé dans le quotidien BILD qu’il était « absolument nécessaire et juste » de conclure des accords avec Damas pour expulser les criminels et les personnes jugées dangereuses.

Le secrétaire général de la CSU, Martin Huber, a pour sa part appelé à une « stratégie nationale de retour des Syriens », considérant que la guerre étant terminée, l’exil ne se justifie plus.

Une ligne politique à hauts risques

Le ministère de l’Intérieur, dirigé par Alexander Dobrindt, a confirmé travailler à un accord avec la Syrie en vue de rendre ces expulsions possibles, en commençant par les individus condamnés pour crimes. Mais cette politique se heurte à des obstacles diplomatiques et humanitaires : le régime syrien de Bachar al-Assad reste accusé de violations graves des droits humains, ce qui rend tout partenariat politiquement sensible au sein de l’Union européenne.

Un débat éthique et géopolitique

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Derrière cette querelle politique, se pose une question plus large : l’Allemagne peut-elle moralement renvoyer des réfugiés dans un pays encore instable ? Selon les rapports du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 6,8 millions de Syriens vivent encore en exil, et les conditions sécuritaires et humanitaires en Syrie demeurent fragiles.

L’analyse du politologue allemand Stefan Lehne (Carnegie Europe, Migration et souveraineté nationale, 2023, p. 142) souligne que « les débats sur le retour des réfugiés ne sont jamais purement techniques : ils traduisent les tensions identitaires et électorales d’un pays en quête de cohésion ».

Une dimension spirituelle et morale

Sur le plan éthique, le penseur musulman Tariq Ramadan rappelle que « la reconstruction d’un pays ne peut être imposée par contrainte, mais naît d’une volonté libre et collective de ses enfants » (La réforme radicale, Presses du Châtelet, 2008, p. 264).

Dans le même esprit, l’imam sénégalais Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine disait :

« La patrie, c’est comme la foi : elle s’entretient par la responsabilité, non par la contrainte. »

Ces paroles résonnent fortement dans ce débat européen, où se mêlent humanité, devoir national et calcul politique.

Réflexion finale – par Imam chroniqueur Babacar Diop

La question du rapatriement des Syriens en Allemagne dépasse la simple politique migratoire. Elle touche à la conscience universelle : celle de savoir quand un exilé devient à nouveau bâtisseur, et quand un pays meurtri devient terre d’espérance.
Car reconstruire la Syrie, ce n’est pas seulement une affaire de pierres et d’infrastructures, mais une question d’âme collective. Et cela, aucun décret politique ne peut l’imposer.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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