Amlamé, Togo – Face à la montée de l’extrémisme violent et à l’exacerbation des conflits liés à la transhumance, le Togo mise sur une force trop longtemps reléguée à l’arrière-plan : ses chefs traditionnels.

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Amlamé, Togo – Face à la montée de l’extrémisme violent et à l’exacerbation des conflits liés à la transhumance, le Togo mise sur une force trop longtemps reléguée à l’arrière-plan : ses chefs traditionnels.

Ce vendredi 30 mai, dans la ville d’Amlamé, chef-lieu de la préfecture de l’Amou, une première cohorte de préfets, maires et chefs traditionnels de la région des Plateaux-Ouest etait réunie pour un atelier de renforcement des capacités. Un événement conduit par le gouverneur de la région des Plateaux, le général de brigade Dadja Maganawè, et placé sous la houlette du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Chefferie coutumière (MATDCC), avec l’appui de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).

Dans son allocution d’ouverture, le préfet de l’Amou, M. Koufama Bissalouwé, a souligné la pertinence de cette démarche : « C’est dans la concertation locale et la sagesse de nos traditions que résident les solutions durables aux crises que traversent nos communautés rurales. »

Amlamé, Togo – Face à la montée de l’extrémisme violent et à l’exacerbation des conflits liés à la transhumance, le Togo mise sur une force trop longtemps reléguée à l’arrière-plan : ses chefs traditionnels.

Le gouverneur Dadja Maganawè, pour sa part, a salué l’engagement des autorités coutumières et a lancé un appel :

« Nous sommes à la croisée des chemins. Si nous voulons préserver la stabilité dans nos préfectures, il faut que les chefs traditionnels soient des relais actifs de la vigilance citoyenne et de la cohésion sociale. L’État seul ne peut pas tout. La résilience commence dans nos villages. »

Un participant, chef de canton dans la préfecture de Danyi a salué cette initiative comme un signal fort :

« Cette prouve que le gouvernement reconnaît enfin le rôle central que nous jouons sur le terrain. »

Cette rencontre n’était pas un simple séminaire. Elle ressemblait à un appel aux armes – des armes de dialogue, de médiation et de résilience communautaire. Deux menaces majeures ont cristallisé les échanges : d’un côté, l’extrémisme violent qui prospère sur les fractures sociales ; de l’autre, les tensions saisonnières entre agriculteurs et éleveurs, exacerbées par la pression foncière et le changement climatique.

« Il ne suffit plus d’arbitrer les conflits fonciers. Le chef doit devenir stratège, médiateur, éducateur, acteur de la paix », a plaidé un formateur durant l’atelier.

Le Commissaire divisionnaire Vondoly Kodjo, Directeur de la Chefferie traditionnelle, n’a pas mâché ses mots :

« Le silence des chefs devient complicité face aux dangers qui rongent nos villages. »

La transhumance, qui fut autrefois un facteur d’échanges et de solidarité, est aujourd’hui source de méfiance et de tensions.

« Il faut restaurer les mécanismes traditionnels de régulation. La transhumance bien encadrée peut redevenir un levier de cohabitation », a rappelé un responsable administratif.

La session d’Amlamé a permis de croiser les regards : chefs de canton, autorités préfectorales, élus locaux, forces de sécurité, partenaires techniques, tous réunis pour déconstruire les peurs, raviver le dialogue et mettre sur la table des solutions locales. Les frustrations de la jeunesse, l’incompréhension des textes sur la mobilité pastorale ou encore les ressentiments intercommunautaires ont été analysés sans détour.

Mme Deborah Ankou, de l’OIM, a souligné le potentiel immense de ces leaders locaux :

« Les chefs sont les maillons essentiels d’une gouvernance de proximité. Leur légitimité sociale est un atout inestimable. »

Même son de cloche chez le Maire Amou 1 présent à la rencontre :

« Cette initiative redonne toute sa place au dialogue communautaire. C’est une approche qui valorise le vivre-ensemble à la togolaise. »

Mais plus qu’un simple atelier, c’est une prise de conscience nationale qui semble émerger : celle que le développement et la paix ne peuvent plus faire l’impasse sur les racines culturelles et les forces sociales du terroir. Dans un contexte où les frontières entre tradition et modernité deviennent floues, le chef traditionnel ne peut plus rester spectateur.

« Nous devons redevenir des acteurs, pas des statues », a martelé un chef de canton, appelant à une réforme pragmatique des textes sur la transhumance.

Le Togo joue ici une carte audacieuse : faire de ses traditions une boussole pour traverser les tempêtes contemporaines. Ce pari, loin d’être nostalgique, s’inscrit dans une stratégie innovante de gouvernance enracinée, en phase avec les réalités du terrain.

Dans un monde en quête de repères, le pays affirme un message fort : la paix durable viendra aussi des collines, des vallées et des palabres sous l’arbre à palabres.

Jean-Marc Ashraf EDRON

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