
L’activiste sénégalais Assane Diouf a été déféré ce vendredi au tribunal de Dakar, poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une autorité partageant les mêmes charges que le président de la République. Après un retour de parquet, il sera de nouveau présenté devant la justice lundi prochain. Une ouverture d’information judiciaire à son encontre est envisagée.
Une Affaire Qui Réveille les Débats sur la Liberté d’Expression
L’arrestation d’Assane Diouf intervient après des déclarations sur YouTube où il critiquait vivement le gouvernement et accusait le Premier ministre Ousmane Sonko d’avoir dissimulé des informations cruciales sur la gestion des finances publiques, évoquant notamment l’existence présumée d’un compte bancaire contenant 1 000 milliards de FCFA.
Selon Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, cette affaire illustre un climat politique tendu où l’expression critique est de plus en plus perçue comme une menace. Il affirme :
“Quand la liberté d’expression est muselée au nom de la lutte contre les fausses informations, c’est toute la démocratie qui vacille.”
Quand la Lutte Contre la Désinformation Devient une Arme Politique
La propagation de fausses informations constitue un défi majeur pour les gouvernements à l’ère numérique. Un rapport du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères précise :
“Certaines manipulations de l’information sont intentionnelles et orchestrées pour influencer l’opinion publique et fragiliser les institutions démocratiques.”
Cependant, des organisations de défense des droits humains mettent en garde contre les dérives possibles. Reporters sans frontières (RSF) souligne :
“Dans de nombreux pays, la lutte contre la désinformation sert de prétexte pour restreindre la liberté de la presse et museler les voix dissidentes.”
Une Législation Jugée Ambiguë et Répressive
Au Sénégal, la loi sur la cybercriminalité est souvent critiquée pour sa formulation floue, permettant d’incriminer toute critique jugée inconvenante envers les autorités. Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International Sénégal, avertit :
“La législation actuelle ouvre la porte à des abus, où des citoyens peuvent être poursuivis simplement pour avoir exprimé une opinion critique sur des plateformes numériques.”
Pour Babacar Ndiaye, analyste politique, cette affaire reflète une tension croissante entre les nouvelles formes de militantisme numérique et un appareil étatique soucieux de contrôler l’espace public :
“Les réseaux sociaux sont devenus un espace de contestation redouté par les gouvernants, car ils échappent aux canaux traditionnels de censure.”
Un Précédent Inquiétant pour les Libertés Publiques
L’issue de cette procédure judiciaire pourrait avoir des implications profondes sur la liberté d’expression au Sénégal. Comme le rappelle un rapport de l’UNESCO sur la désinformation :
“Une régulation excessive ou ambiguë risque de transformer les médias indépendants en cibles faciles, compromettant ainsi le droit fondamental à l’information.”
Alors qu’Assane Diouf attend son audience lundi, beaucoup voient dans cette affaire un test pour l’engagement du Sénégal à préserver les libertés fondamentales dans un contexte de plus en plus marqué par la surveillance et la répression numérique.
L’avenir dira si cette poursuite judiciaire vise à protéger l’ordre public ou à faire taire une voix critique devenue gênante.
Cette affaire rappelle les propos de Catalina Botero Marino, ancienne Relatrice spéciale pour la liberté d’expression de la CIDH, qui souligne l’importance de protéger la liberté d’expression, même face aux défis posés par la désinformation :
“Les plateformes doivent être soumises à des audits externes et autonomes pour garantir des politiques équilibrées qui ne compromettent pas les droits humains.”
De plus, comme le souligne un article du Monde concernant les nouveaux médias et l’intelligence artificielle :
“La fabrique du consentement entre dans une nouvelle dimension avec l’IA, permettant la création de contenus personnalisés et potentiellement contradictoires à grande échelle.”
Ces perspectives mettent en évidence la nécessité d’un équilibre délicat entre la lutte contre la désinformation et la préservation des libertés fondamentales.
Imam chroniqueur
Babacar DIOP