CAMEROUN – PRÉSIDENTIELLE 2025 : Paul Biya, encore vainqueur d’une élection sous tensionAnalyse Dunia News | Par Frédéric Herman Tossoukpe

Le Cameroun a voté hier, 12 octobre 2025. Sans surprise, selon les premières tendances issues du dépouillement et des informations de terrain, le président Paul Biya apparaît une nouvelle fois comme le grand vainqueur. À 92 ans, le chef de l’État, au pouvoir depuis plus de quatre décennies, semble avoir réussi à conserver les rênes d’un pays où le pouvoir et la personne du président se confondent depuis des générations.
Une élection verrouillée dès le départ
Pour beaucoup d’observateurs, le résultat n’est pas un choc mais une continuité programmée.
Le processus électoral, tenu en une seule journée et en un seul tour, s’est déroulé dans un contexte de forte abstention, de tensions régionales, et d’un déséquilibre flagrant entre les candidats.
Les figures majeures de l’opposition, notamment Maurice Kamto du MRC, n’ont pas été autorisées à participer. Le champ politique a été soigneusement nettoyé, laissant face à Biya des adversaires sans véritable structure nationale.
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Malgré quelques incidents isolés, le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) revendique déjà une victoire écrasante, tandis que plusieurs partis de l’opposition parlent de “mascarade électorale”.
Un pays fatigué, mais docile
L’un des paradoxes du Cameroun, c’est la résistance du système Biya, malgré la lassitude évidente du peuple.
Dans les marchés de Douala comme dans les rues de Yaoundé, beaucoup disent voter “par habitude”, “par peur de l’inconnu”, ou “pour éviter le chaos”.
Après 43 ans de règne, Biya ne dirige plus par charisme, mais par inertie du pouvoir.
Son visage rassure autant qu’il fatigue. Sa longévité est devenue un symbole de stabilité pour les uns, et de blocage historique pour les autres.
Le Cameroun est aujourd’hui un pays fatigué de parler de changement mais incapable de le provoquer.
Une opposition fragmentée et impuissante
L’opposition camerounaise reste le plus grand perdant de cette élection.
Divisée, infiltrée et souvent intimidée, elle n’a pas su créer un front commun.
Maurice Kamto, écarté du scrutin, demeure populaire dans les milieux jeunes et urbains, mais sa mise à l’écart a laissé un vide que personne n’a pu combler.
Cabral Libii et Joshua Osih, candidats déclarés, ont mené des campagnes régionales plus que nationales, manquant de relais dans les zones rurales où se joue la majorité des voix.
Résultat : la machine électorale du RDPC a fonctionné sans véritable résistance, profitant de son contrôle total de l’administration et du découpage électoral.
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Le vote de la peur
Le nord, encore marqué par l’insécurité et la menace de Boko Haram, a voté massivement pour “la continuité”.
L’ouest et le nord-ouest, anglophones et frondeurs, ont connu des taux d’abstention records à cause de la peur, des violences et des barrages militaires.
À Yaoundé, c’est le vote du “moindre risque” qui a dominé : mieux vaut un vieux pouvoir connu qu’un saut dans l’inconnu.
Le mythe Biya : entre culte et calcul
À 92 ans, Paul Biya n’est plus seulement un président, il est une institution.
Son âge, souvent moqué à l’étranger, est devenu un atout politique à l’intérieur : il représente la continuité, la mémoire, et un certain respect de la hiérarchie que la société camerounaise chérit encore.
Mais derrière le mythe, c’est une machine d’État redoutable qui maintient son pouvoir :
les préfets, les gouverneurs, les chefs traditionnels, et les réseaux de fidélité ancrés depuis les années 1980.
Les résultats officiels ne sont pas encore proclamés, mais la victoire de Biya ne fait déjà plus de doute.
L’après-Biya, une question suspendue
La vraie interrogation n’est plus “a-t-il gagné ?” mais “que se passera-t-il après lui ?”
L’âge du président, la lenteur du renouvellement politique et l’absence d’un dauphin clairement désigné rendent l’avenir incertain.
Au sein du RDPC, des clans se forment déjà, chacun cherchant à se positionner pour “le jour d’après”.
L’histoire montre qu’au Cameroun, la stabilité apparente dissimule souvent de profondes luttes internes.
Dunia News Analyse
Le scrutin du 12 octobre 2025 n’a pas seulement confirmé la victoire de Paul Biya — il a confirmé la défaite du changement.
Le Cameroun est entré dans une boucle historique où la démocratie se confond avec la gestion de la patience populaire.
Les institutions tiennent, les rues restent calmes, mais les cœurs s’éteignent lentement.
Le pays n’a pas voté par conviction, il a voté par habitude, par prudence et par peur.
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Paul Biya sort encore vainqueur. Mais l’histoire, elle, attend son successeur.
Signature :
✍🏽 Frédéric Herman Tossoukpe
Rédaction Dunia News Analyse
Yaoundé, le 13 octobre 2025













