Gambie : Adama Barrow met en garde Yahya Jammeh avant son retour annoncé

Par Imam chroniqueur Babacar Diop
L’ancien président gambien Yahya Jammeh, exilé depuis 2017 en Guinée équatoriale, a récemment déclaré son intention de rentrer au pays. Une annonce qui a immédiatement suscité la réaction ferme du gouvernement d’Adama Barrow.
Dans un communiqué officiel, Banjul a rappelé que tout citoyen gambien, y compris un ancien chef d’État, jouit du droit de rentrer dans sa patrie, mais que ce droit ne saurait protéger quiconque contre la justice.
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« Ce droit ne protège personne de la responsabilité des crimes graves présumés, notamment ceux établis par des preuves crédibles et documentées par la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) », précise le texte gouvernemental.
Les crimes du passé au cœur du débat national
La TRRC, créée en 2018 pour faire la lumière sur les crimes commis durant les 22 ans de règne de Yahya Jammeh, a impliqué ce dernier dans de graves violations des droits humains : meurtres, actes de torture, disparitions forcées et violences sexuelles.
Selon le communiqué, le retour de Jammeh déclenchera des procédures judiciaires rigoureuses, menées dans le respect des lois gambiennes :
« Quand M. Jammeh reviendra, des enquêtes, arrestations et poursuites seront engagées dans le respect des normes du procès équitable et des droits fondamentaux de toutes les parties », assure le gouvernement.
Pas d’immunité, pas d’accord secret
L’administration Barrow a également réfuté l’existence d’un quelconque protocole d’immunité.
« Aucun accord de ce type n’existe. La seule déclaration conjointe de 2017, émise par l’Union africaine, la CEDEAO et les Nations Unies, n’était qu’un instrument diplomatique pour assurer une transition pacifique », précise encore le communiqué.
Cette mise au point vise à rassurer les victimes du régime Jammeh et leurs familles : l’État gambien maintient son engagement envers la justice et la non-répétition.
Entre justice transitionnelle et tensions politiques
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Le politologue gambien Dr. Lamin Sanneh estime que « le retour de Jammeh pourrait devenir un test majeur pour la solidité institutionnelle de la Gambie », car « la tentation de régler les comptes politiques risque de brouiller le processus judiciaire » (in African Governance Review, vol. 12, p. 87, 2023).
Dans le même esprit, la chercheuse nigériane Amina Alhassan rappelle que « sans vérité ni justice, aucune réconciliation durable n’est possible en Afrique de l’Ouest » (Transitional Justice in Africa, Routledge, 2022, p. 211).
Un retour aux lourdes conséquences
Si Yahya Jammeh rentre effectivement à Banjul, son accueil pourrait diviser la société gambienne entre partisans nostalgiques de son régime et défenseurs de la justice transitionnelle.
Comme l’a souligné l’imam chroniqueur Babacar Diop,
« Les peuples ne guérissent pas en occultant leurs blessures, mais en affrontant leur passé avec lucidité et justice. »
La balle est désormais dans le camp de Banjul : entre raison d’État et devoir de mémoire, la Gambie s’apprête à vivre l’une des pages les plus sensibles de son histoire post-dictatoriale.
Imam chroniqueur
Babacar Diop













